Fouiller le portable de votre partenaire est illégal, voilà pourquoi

Une étude publiée jeudi 11 mai révèle qu’un Français sur quatre a déjà fouillé le téléphone de son partenaire à son insu. Un geste qui semble être anodin, mais est illégal : décryptage avec deux avocates.

Fouiller ou ne pas fouiller le téléphone de son partenaire, telle est la question que se sont déjà posée 4 Français sur 10… Avant d’y répondre par la positive. C’est ce que révèle une étude Flashs/IFOP pour Le Journal du Geek parue ce jeudi 11 mai, qui interroge les Françaises et Français sur l’intimité numérique de leur partenaire. Lire ses messages privés, vérifier les personnes qu’il ou elle suit sur les réseaux sociaux, regarder son historique d’appels…

Des pratiques qui se révèlent courantes, puisque l’étude met en lumière qu’un Français sur quatre déclare fouiller de temps en temps, rarement ou régulièrement le smartphone de son partenaire. Ce chiffre augmente drastiquement chez les moins de 35 ans, pour lesquels 67 % des femmes et 56 % des hommes interrogés déclarent avoir « succombé » à cette tentation. Malgré cette banalité, violer l’intimité numérique d’un partenaire est illégal et peut parfois s’inscrire dans un continuum de violences conjugales. Décryptage avec Maître Migueline Rosset, avocate en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine et Maître Anne-Sophie Laguens, avocate en droit des personnes et en droit pénal.

Que sont les violations de la vie privée numérique ?

D’après les chiffres de l’étude, 28 % des Français auraient déjà consulté à leur insu les messages privés de la personne avec qui ils étaient en couple. Mais cette fouille, que les anglophones ont baptisée le « snooping », ne se limite pas à ça : elle comprend aussi le fait de regarder les photos et les vidéos qui se trouvent sur son appareil (23 % des interrogés), son historique d’appel (20 %), son agenda ou encore sa localisation (12 %), ainsi que sa présence sur les réseaux sociaux.

Autant de pratiques qui rentrent dans le cadre de la violation de la vie privée selon Maître Rosset, qui explique : « La violation de l’intimité numérique, c’est le fait de prendre connaissance, détourner, enregistrer ou transmettre les données de quelqu’un, par tous les moyens qui sont donnés aujourd’hui par la technologie. Cela peut être des messages, mais aussi filmer la personne à son insu à travers son ordinateur ou son téléphone, prendre connaissance de ses mails, accéder à son cloud… »

Ces agissements sont condamnés par les articles 226 et suivants du Code pénal sur les atteintes à la vie privée, ainsi que le 226-15, qui protège le secret des correspondances. Lorsqu’ils sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ces faits sont punis d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende.

Et si dans la pratique, il y a peu de chances que vous soyez condamné à une telle peine pour avoir regardé les DM de votre conjoint pendant sa sieste, Maître Laguens, avocate au barreau de Paris, rappelle : « C’est une pratique illégale. Certes, elle est extrêmement rarement poursuivie isolément, mais elle est souvent prise en compte dans un ensemble d’autres infractions, notamment dans les cas de violences conjugales. Fouiller le portable de son ou sa partenaire apparaît d’ailleurs sur le Violentomètre [ndlr. un outil qui permet de mesurer la violence au sein d’un couple]. »

Le « snooping » et les violences conjugales

C’est aussi ce que montre le deuxième volet de l’étude, qui se penche sur les corrélations entre violation de l’intimité numérique et climat d’emprise ou violences conjugales. Ainsi, parmi les personnes ayant subi des violences physiques de leur partenaire, 52 % déclarent que celui-ci a déjà regardé dans leur téléphone, contre 27 % de celles qui n’ont jamais subi de violences.

Pour Maître Rosset, ces violations de la vie privée numérique peuvent s’inscrire dans un ensemble de violences plus larges : « C’est ce qu’on appelle de manière assez générique les cyberviolences’, une domination de l’un qui vient contrôler l’autre, le surveiller. On voit des choses assez inconcevables : des personnes qui doivent avoir la caméra de leur téléphone allumée en permanence pour que leur partenaire puisse voir où elles sont, des applications espionnes, des piratages du cloud… Et parfois, même au sein des tribunaux, il y a des gens qui ne voient pas le problème. En face, vous avez des victimes épuisées, qui ont l’impression d’être observées en permanence et sont toujours en alerte. »

Interrogée sur la manière de prouver qu’on a été victime de « snooping », notamment dans un tribunal, l’avocate explique qu’il est possible d’avoir des faisceaux d’indices. « Si l’accusé utilise des informations qui n’existaient que sur le téléphone ou l’ordinateur de la victime, alors, on peut faire des recoupements qui peuvent convaincre le juge, explique-t-elle à titre d’exemple. Mais je ne suis pas sûre qu’on puisse entrer dans un commissariat et être prise en charge facilement à ce sujet, même si sur les fondements du droit civil et du droit pénal, on le devrait… »

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