Football: Alexandre Lafitte, 26 ans et déjà coach d'un club historique de Côte d'Ivoire

Football: Alexandre Lafitte, 26 ans et déjà coach d'un club historique de Côte d'Ivoire

C’est le plus jeune coach français d’une équipe de première division au monde! Alexandre Lafitte dirige à seulement 26 ans un club mythique de Côte d’Ivoire, le Stade d’Abidjan. Jamais pro, il a arrêté le football après ses 18 ans, en réserve d’une N2. Puis il a étudié en STAPS, et passé ses diplômes de coach.

Un parcours qui l’a mené à la PSG academy, adjoint de Sandrine Soubeyrand au Paris FC en D1 Féminines, à Gueugnon et finalement en Afrique. Casquette de coach sur la tête, il doit se faire respecter par des anciens internationaux ivoiriens, des joueurs expérimentés, alors qu’il est à peine plus âgé que Kylian Mbappé.

Etudes à Tarbes, PSG Academy, adjoint en D1 féminies, numéro 1 à Abidjan… c’est un parcours totalement atypique, tout sauf linéaire? 

C’est assez complexe quand on est jeunes et qu’on n’a pas de relations dans le foot pro de pouvoir évoluer dans ce milieu-là, même si on est bons. Et je me retrouve ici sans même l’avoir cherché. J’ai eu pas mal de projets inaboutis, et il a fallu passer par sept intermédiaires pour que je rencontre le propriétaire du club à Paris et que ça matche. J’arrive en janvier 2023 pour maintenir le club en D1 ivoirienne dans un premier temps. Et je suis toujours là.

Être coach en D1 le plus jeune possible, c’était l’objectif absolu? 

Non, l’objectif c’était être numéro 1 dans une équipe pro, avec la visibilité. Le fait de ne pas avoir été joueur pro, il faut un parcours atypique pour mettre en valeur mes compétences. Je ne pouvais pas rester en France, un très jeune entraîneur français ça n’existe pas en fait. Il fallait trouver cette voie, en France c’est difficile d’évoluer.

Vous ne vouliez pas passer par la case adjoint plus longtemps? 

Non ça ne m’intéresse pas. J’ai eu des projets où j’aurais pu intégrer des staffs de clubs pros en France. Ca ne me plaisait pas.

Comment gérez-vous le fait d’être parfois nettement plus jeunes que vos joueurs? 

Ça se gère plutôt bien. J’ai des joueurs avec pas mal d’expérience dont deux anciens internationaux ivoiriens, comme le gardien qui a remporté la CAN 2015 avec Hervé Renard (Sylvain Gbohouo, l’autre étant le défenseur Mansou Kouakou). C’est simple je pense, il faut imposer ses idées en étant à l’écoute du contexte et de l’environnement. Quand les joueurs sentent qu’il y a une ligne directrice et qu’ils vont pouvoir s’épanouir et progresser avec toi, c’est gagné. Je pars du principe que le jugement de valeur arrive quand il y a conflit. Là, l’âge peut être attaqué. Mais s’il n’y a pas de raison d’être attaqué, si on nourrit les joueurs en ayant une certaine forme de charisme, il n’y a pas de problèmes.

Cela fait un an que vous êtes en Côte d’Ivoire, au Stade d’Abidjan, comment vivez-vous le foot ivoirien? 

Le stade d’Abidjan est un club historique mais qui a eu des années sombres, en deuxième division. C’est le premier club ivoirien à avoir remporté la Ligue des champions africaine. Mais c’est vrai que par rapport à l’ASEC Mimosas ou l’Africasports, il y moins de soutien, le public est assez âgé. Pour les autres, la ferveur est incroyable. Depuis la mondialisation et l’accès à internet, les Ivoiriens regardent la Premier League mais ce sont des fous de football. Chaque jour de match, les bars sont pleins. Le championnat local peut être attractif car ça fait émerger des super talents. A chaque match, les recruteurs sont partout, des Européens, des Africains. Le championnat progresse et devrait logiquement se professionnaliser encore plus après la CAN. C’est assez positif. Mais c’est frustrant de voir le potentiel et en face l’organisation des clubs… ce qu’il y autour des clubs, l’économie compliquée... c’est instable.

En parlant de potentiel de joueurs, si vous deviez partir en Europe qui emmèneriez-vous avec vous? 

Par exemple, il y a Eroine Anigkoi qui va signer en D2 belge, dans une équipe qui va probablement monter en D1. Lui c’est typique, il a fait le tournoi de Toulon, capitaine des U23 dans une équipe où il y avait par exemple Bamo Meïté de Marseille. Puis on a Romaric, un attaquant qui revient des ligaments croisés mais qui avant cela devait signer avec un club Italien. Mais il va repartir peut-être dès cet hiver.

Pour parler de la CAN, comment jugez-vous le début de compétition des Eléphants de Côte d’Ivoire?

Ce qui est important dans un match d’ouverture, c’est de gagner. C’est cohérent, on sent le groupe qui se construit. Le but n’est pas d’être prêt maintenant, c’est encourageant et satisfaisant. Toutes les équipes peuvent être dangereuses, il peut y avoir beaucoup de surprises donc l’essentiel est assuré. Mais les Ivoiriens peuvent être très critiques, il faut leur donner du plaisir. Ils ne sont pas simples supporters.

Avec ce contexte justement, sentez-vous que ça va peser sur l’équipe si elle est en difficulté contre le Nigeria au prochain match? 

Malheureusement, il vaut mieux ne pas avoir de mauvais résultats. Les critiques peuvent être très dures, très virulentes. Ce sont des spectateurs avertis, eux ils ont besoin qu’on leur fasse plaisir. En cas de mauvais résultat, le public peut se retourner. Mais si le pays suit, la Côte d’Ivoire peut aller très très loin.

Qu’est ce qu’on peut vous souhaiter pour l’année 2024?

Déjà collectivement au Stade d’Abidjan, de continuer à progresser. La saison dernière, on a réussi une grosse deuxième partie de saison, j’espère qu’on fera la même pour aller chercher une 5e ou 6e place (le Stade d’Abidjan est actuellement 9e sur 16). Et puis pourquoi pas aller sur d’autres horizons personnels.

Vous souhaitez rester en Afrique? 

Pas forcément mais ça permet de s’endurcir. Car l’Afrique c’est dur. Il y a l’environnement, les dirigeants, l’arbitrage… il y a pas mal de choses qui permettent de vivre des expériences bénéfiques pour la suite de ma carrière.

Article original publié sur RMC Sport