Le fonds Marianne et Marlène Schiappa au cœur d’une polémique : que leur est-il reproché ?

Fonds Marianne : Marlène Schiappa n’exclut pas de porter plainte pour diffamation après avoir été citée dans l’affaire
Fonds Marianne : Marlène Schiappa n’exclut pas de porter plainte pour diffamation après avoir été citée dans l’affaire

POLITIQUE - Dans l’émission C à vous ce jeudi 27 avril, Marlène Schiappa l’a encore répété : « Je n’ai aucun ami, aucun copain, aucun proche parmi aucun des lauréats du fonds Marianne. » Une rengaine pour la secrétaire d’État depuis les révélations de plusieurs médias sur l’utilisation controversées des subventions allouées à deux associations.

Qu’est-ce que le fonds Marianne ? Pourquoi est-il critiqué ? De quoi Marlène Schiappa est-elle accusée ? Le HuffPost revient sur la polémique autour du Fonds Marianne et fait le point sur les suites judiciaires et politiques.

• Qu’est-ce que le fonds Marianne ?

Le « fonds Marianne pour la République » a vu le jour après l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie décapité le 16 octobre 2020 par un jeune homme radicalisé. Lancé en 2021 par Marlène Schiappa, alors ministre déléguée à la Citoyenneté, et doté de 2,5 millions d’euros, il visait à « financer des personnes et associations qui vont porter des discours pour promouvoir les valeurs de la République et pour lutter contre les discours séparatistes », avait affirmé Marlène Schiappa à BFMTV lors de sa création.

L’objectif est de « mieux lutter contre les contenus terroristes », notamment sur Internet et les réseaux sociaux, pas seulement en les supprimant mais aussi en agissant pour leur « apporter la contradiction » et « démentir les “fake news” qui font le lit de l’islamisme radical », avait-elle ajouté.

• Pourquoi est-il sous le feu des critiques ?

Confiée au Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), la procédure de sélection des associations subventionnées a été extrêmement rapide et floue. Dès juin 2021, le CIPDR annonçait que 17 dossiers étaient retenus sur 47 recevables, pour un montant global de 2,017 millions d’euros au total.

Mais dans une enquête conjointe, l’hebdomadaire Marianne et France 2 ont révélé la gestion opaque entourant ce fonds de 2,5 millions d’euros : sur les 17 associations bénéficiaires, quatre structures se seraient partagé 1,3 million d’euros.

« Les deux dossiers les plus lourds financièrement posent question », a précisé le président de la commission des Finances du Sénat Claude Raynal, qui a analysé des documents fournis par le gouvernement sur le fonds, lundi 24 avril. Concernant les 15 autres associations, le sénateur socialiste a estimé qu’« à ce stade, rien n’était de nature à nous inquiéter ».

Par ailleurs dans un premier temps, la liste des bénéficiaires est restée secrète pour des « raisons de sécurité ». Depuis la polémique, leur nom a été rendu public.

• Quelles sont les deux associations mises en cause ?

La principale bénéficiaire, à hauteur de 355 000 euros, est l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), une association née à la fin du XIXe siècle. La mission confiée à l’USEPPM consistait « à déployer un contenu multimédia, un message positif de réenchantement des valeurs de la république », selon la convention de subvention consultée par les deux médias qui ont révélé l’affaire.

Toutefois, l’argent n’aurait servi qu’à alimenter un site internet et des publications très peu suivies sur les réseaux sociaux, ainsi qu’à salarier deux ex-dirigeants de l’USEPPM, selon un signalement de la nouvelle équipe dirigeante. Le duo, notamment composé de Mohamed Sifaoui, auteur de livres sur l’islam politique et le terrorisme, aurait encaissé 120 000 euros.

Mohamed Sifaoui, également directeur de la communication du club de foot le SCO d’Angers et journaliste réfugié politique en France après avoir échappé à quatre attentats en Algérie dans les années 90, a annoncé sur Twitter « des procédures judiciaires à l’encontre de tous ceux » qui le diffament.

Selon Mediapart, une autre structure, Reconstruire le commun, a touché plus de 300 000 euros du Fonds Marianne alors qu’elle « venait d’être créée et n’avait aucune activité connue ». Elle a notamment publié des contenus attaquant plusieurs personnalités de gauche pendant la campagne présidentielle.

• De quoi Marlène Schiappa est-elle accusée ?

Marlène Schiappa est soupçonnée d’avoir avantagé des connaissances, et même des amis, avec ce fonds. Elle a balayé ces accusations à plusieurs reprises, notamment dans C à Vous ce jeudi. « Je n’ai favorisé aucune de ces associations », a-t-elle assuré, avant de rejeter les accusations de « copinage ». La secrétaire d’État assure par exemple n’avoir croisé Mohamed Sifaoui qu’à quelques reprises dans le cadre professionnel.

Elle prévient qu’elle attaquera en diffamation « toute personne ou plateforme en ligne » qui la soupçonnerait. Interrogée sur sa place au gouvernement, Marlène Schiappa a également affirmé qu’elle n’avait « pas du tout » l’intention de démissionner.

Sur RTL ce vendredi 28 avril, elle insiste : « Il ne m’est pas reproché à moi d’agissements. Je tiens à le dire, car des amalgames ont été faits. » Elle ajoute par ailleurs que l’association Reconstruire le commun n’aurait pas visé que des personnalités de gauche, mais qu’elle aurait aussi produit des vidéos « anti-Macron, anti-Véran et anti-Schiappa ».

• Bientôt une commission d’enquête ?

Le cabinet de Marlène Schiappa a indiqué qu’une enquête administrative de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait été lancée pour « faire toute la lumière et de déterminer (...) les conditions de fonctionnement et d’attribution de ces subventions ».

Christian Gravel, le président du CIPDR, la maire de Paris Anne Hidalgo, et la présidente des députés LFI Mathilde Panot ont saisi la procureure de la République. Ces trois signalements ont été transmis au parquet national financier (PNF) et sont à l’étude, précise CheckNews.

Les députés RN ont demandé quant à eux la création d’une commission d’enquête parlementaire, tout comme le groupe PS du Sénat.

Après avoir consulté les premiers documents du gouvernement sur le fonds Marianne, le sénateur Claude Raynal a justement annoncé lundi 24 avril qu’il proposerait à la commission des Finances « de se transformer en commission d’enquête pour mener un certain nombre d’auditions portant sur la gestion de ce fonds et en tirer quelques préconisations pour l’avenir ».

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