Florent Curtet, ancien hacker : “En one shot, je me faisais 50 000 €. J’étais le premier mineur à avoir fait 1 million d'euros en fraude”

Auteur de "Hacke-moi si tu peux" (ed. Cherche-Midi), Florent Curtet a été rattrapé par la CIA après avoir longtemps échappé à la police. Pour Yahoo, le trentenaire, cofondateur de Hackers Sans Frontières, a accepté de se livrer sur son histoire, revenant notamment sur son enfance, son adolescence et son appétence pour déjouer les systèmes de sécurité.

C’est un génie de l’informatique. Passionné depuis le plus jeune âge, Florent Curtet a pendant longtemps flirté avec l’illégalité, s’amusant à déjouer les systèmes de sécurité grâce à ses grandes aptitudes. Pour Yahoo, l’auteur de “Hacke-moi si tu peux” (ed. Cherche-Midi), a accepté de se livrer sur sa passion et s’est notamment exprimé sur son basculement dans la cybercriminalité et sur sa reconversion en “hacker éthique”.

Alors que la plupart des enfants regardent la télévision pour se divertir, Florent Curtet, lui, est fasciné par les ordinateurs, et ce, avant même de faire ses premiers pas. Dès le plus jeune âge, il observe déjà son père ingénieur en train de pianoter sur le clavier, assis sur ses genoux. “Je voulais faire comme lui, je voulais l’imiter”, se souvient-il. Puis, c’est à l’âge de cinq ans qu’il prend réellement en main la machine.

À sa demande, son père lui apprend à créer des programmes. “Il avait conscience d’un certain potentiel, alors on a programmé ensemble, des choses pour l’école, pour apprendre par exemple les tables de multiplication.” Finalement, ce passe-temps devient une véritable addiction, au point d’y passer, à l’adolescence, plus de 10 heures par jour. “Je faisais semblant d’aller au lycée, je partais 10 minutes puis je revenais chez moi pour me mettre sur l’ordinateur.”

VIDÉO - Florent Curtet, ancien hacker : “En one shot, je faisais parfois 50 000 euros”

Au fur et à mesure, poussé par une soif d’apprendre et par une curiosité sans limite, Florent Curtet devient ce que l’on appelle un “black hat”, un hacker non-éthique, mal intentionné. Il utilise son talent pour déjouer les systèmes de sécurité afin de gagner en popularité au collège et au lycée. “C’était pour frimer, pour flamber, pour faire plaisir aux gens et pour avoir le frisson de l’interdit.”

Mais loin de lui l’idée de persévérer dans cette voie. “Je savais très bien qu’une fois le bac passé, je voulais travailler dans une entreprise, avoir des collègues, une vie de famille, quelque chose de solide, loin de toute illégalité.” Toutefois, en attendant le moment venu, Florent se fait plaisir. “En one shot, je faisais parfois 50 000 euros”, confie-t-il tout en rappelant n’avoir jamais été dans une démarche d’amoncellement d’argent.

Approché par la DGSI

Cet argent, il le gagne tout d’abord par la vente de cartes de crédit en ligne. Des cartes piratées dans des bases de données. Puis, le jeune homme finit par en fabriquer lui-même et s’essaye même à la falsification de billets. “Avec mes amis, on allait faire des emplettes un peu partout dans Paris”, se rappelle-t-il.

Aujourd’hui loin de toutes ces fraudes, Florent est devenu un “white hat”, un hacker éthique. Les sociétés le mandatent pour réaliser des tests d’intrusion afin de mettre en lumière leurs failles. En parallèle, il a cofondé Hackers Sans Frontières, une jeune ONG dont le but est d’aider les petites structures qui n'ont pas eu les fonds suffisants pour sécuriser leur système d'information. Enfin, Florent fait du renseignement et a même été approché par la DGSI. “Des attaques ont lieu constamment. C’est une perte d’exploitation énorme pour la France. Ça met des gens au chômage et ça pousse au suicide”, rappelle-t-il.

VIDÉO - Florent Curtet, ancien hacker : “J’étais le premier mineur à avoir fait 1 million d’euro en fraude”

Mais tout n’a pas toujours été aussi rose pour Florent. À ses 18 ans, à quelques heures de la deuxième épreuve du baccalauréat, le jeune homme, à l’époque administrateur d’une plateforme du Darknet, se fait réveiller par la police judiciaire lors d’une perquisition au domicile de ses parents. “Dans une tentative d’amoindrir ce qu’ils allaient trouver, j’ai voulu jeter une clé usb, je n’ai pas réussi. J’ai ensuite voulu l’avaler, en vain. Enfin, j’ai voulu la planquer et ils l’ont trouvée.” Embarqué par les forces de l’ordre après une enquête des services secrets américains, il est alors poursuivi pour “intrusion dans un système automatisé de données” et “escroquerie en bande organisée”.

“Ils ont été étonnés de mon âge parce qu’ils pensaient sans doute avoir affaire à quelqu’un de plus vieux. Le jour de mon arrestation, nous étions nombreux à nous faire arrêter dans le monde et j’étais le seul enfant. J’étais le premier mineur à avoir fait 1 million d'euros en fraude”. Au total, il est condamné à deux ans de prison avec sursis et 80 000 euros de dommages et intérêts par le tribunal des enfants. Aujourd’hui, il se dit “repenti”.