Florence Bouté, partisante du don d’organes : “Le don de ma fille a permis de sauver six vies. Ça donne un sens au décès d'Alice qui est stupide"”

Autrice de l’ouvrage “Le don d’Alice” (ed. City), Florence Bouté est revenue sur le décès de sa fille de 16 ans et sur la décision qu’elle et son mari ont prise, celle de donner ses organes. Un choix qui s’est imposé tout naturellement et qui a permis de sauver six vies. Pour Yahoo, elle s’est livrée sur cette douloureuse période dont chaque moment restera gravé dans sa mémoire. Un témoignage poignant.

Alice est décédée à l’âge de 16 ans à la suite d’un accident. Depuis ce jour, Florence, sa mère, se bat pour changer les mentalités, pour que le don d'organes ne soit plus un sujet tabou mais un geste parfaitement naturel. Un formidable don d'amour et de vie. Pour Yahoo, cette ancienne journaliste est revenue sur cet événement tragique et sur les raisons qui les ont poussés, elle et son mari, à prendre cette décision.

La vie de Florence Bouté bascule le 27 septembre 2018. Ce jour-là, quelques heures après avoir déposé sa fille au haras où elle suit une formation de palefrenier, elle reçoit un terrible coup de téléphone. Son interlocuteur lui annonce qu’Alice ne va pas bien du tout et que son pronostic vital est engagé. La jeune fille, passionnée d’équitation, a été victime d’un choc violent à la tempe causé par le coup de sabot d’un cheval. Elle souffre de plusieurs fractures du crâne, d'un œdème cérébral très important et doit donc être opérée.

À l’hôpital Necker à Paris, les heures sont interminables. Et malheureusement, comme les médecins l’avaient prédit, Alice ne se réveille pas, elle se trouve dans un profond coma. Préparés au pire, elle et son mari se raccrochent alors à leur décision de faire don de ses organes si elle venait à mourir. Et le lendemain, lorsqu’ils reviennent au chevet de leur fille, les médecins leur apprennent la mauvaise nouvelle.

"Une mort, six vies, je me dis que ça n'a pas de prix. Ça donne un sens au décès d'Alice qui est stupide"

Comme elle le raconte, de nombreux organes lui sont ensuite prélevés : les poumons, le cœur, les deux reins et le pancréas. “Seul l’intestin grêle n’a pas été prélevé puisqu’il n’a pas trouvé receveur.” Au total, le don d’Alice a permis de sauver six vies. “Ça donne un sens à son décès. Nous avons donné des outils en parfait état de fonctionnement. Par contre, je n’ai pas du tout le sentiment qu’elle continue à vivre à travers d'autres personnes”, confie-t-elle tout en rappelant l’importance de lever le tabou autour du don d’organes et d’en parler le plus tôt possible à ses proches. “Il ne faut pas leur laisser cette responsabilité. Si on est contre, il faut s’inscrire sur le registre national des refus.”

Pour elle, il est également essentiel de “rassurer” la population sur ce procédé. “Donner les organes n’est en aucun cas une profanation du corps. Il s’agit d’une intervention chirurgicale faite dans les règles de l’art. Au moment où l’on récupère notre enfant, rien ne se voit. Il ne faut pas confondre le don d'organe et le don du corps à la science qui sont vraiment deux sujets très différents”, tient-elle à rappeler.

Consciente des effets positifs d’une telle décision, elle se bat depuis pour changer les mentalités, pour faire prendre conscience que le don d’organes permet de sauver de nombreuses vies et d’offrir aux personnes concernées une meilleure qualité de vie. “Cela permet à des gens, qui étaient condamnés à une mort certaine, de reprendre une vie, une vie qu'ils n'ont probablement encore jamais connue avec un organe malade et ça, ça n'a pas de prix”.

“Les receveurs n'ont pas besoin de s'encombrer d'un deuil qui n'est pas le leur"

À noter que le don d’organes repose en France sur le principe de l’anonymat. Le nom du donneur ne peut être communiqué au receveur et réciproquement. Un principe qui a toute son importance. En effet, sans cela, certains auraient tendance à se poser naturellement toutes sortes de questions avant une telle opération, un comportement qui pourrait remettre en question leur choix de départ. “Est-ce bien la bonne personne ?”; “Mérite-t-elle ce don?” : “Je n’ai pas du tout envie de me poser ces questions-là”, confie de son côté Florence, défendant bec et ongles le principe de l’anonymat. “Cela nous protège d’avoir un regard un peu moins objectif”, explique-t-elle tout en rappelant qu'aucune question de religion ni de culture n'est prise en compte lors du don d'organes. Seules les notions physiologiques et médicales comptent.

Pour elle, les receveurs n’ont également rien à gagner à savoir l’identité de leur donneur. “Derrière cette opération très lourde, ils ont une vie à reconstruire. Ils n’ont pas besoin de s’encombrer d’un deuil qui n’est pas le leur.”

“À la mort de ma fille, il s’est passé un truc assez amusant dans ce moment d'une tristesse inouïe”

Comme le rappelle Florence, toute personne devrait se sentir concernée par ce problème de société. Et bien qu’il soit important d’en parler, il n’est pas toujours évident d’évoquer le don d’organes avec des enfants. La petite sœur d’Alice par exemple avait dix ans lorsque ce drame s’est produit, un âge où les questionnements ne cessent d’affluer. C’est là, précisément, qu’intervient le personnel soignant. “Les médecins réanimateurs ont fait preuve d'une pédagogie incroyable”, confie-t-elle, expliquant avoir botté en touche lorsque sa fille avait commencé à lui poser tout un tas de questions.

“À ce moment, j’ai eu en tête la voix de Régis Kéré, l'infirmier coordinateur de Necker, qui me conseillait de lui envoyer Camille. Il l’a reçue en rendez-vous, deux mois après le décès de sa sœur et il a répondu à toutes les questions qu’elle se posait.” Conclusion : Camille n’en a plus jamais parlé.

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