Fissure à la centrale nucléaire de Penly : ce que l’on sait

Pourquoi la fissure sur la centrale nucléaire de Penly « pose problème » selon l’ASN
Pourquoi la fissure sur la centrale nucléaire de Penly « pose problème » selon l’ASN

NUCLÉAIRE - Une fissure plus grande que prévu, une stratégie à revoir et de nouvelles incertitudes pour la production nucléaire française en 2023 : de nouveaux défis se dressent pour EDF après la découverte d’une corrosion « importante » dans un circuit de secours d’un réacteur à Penly (Seine-Maritime).

« Corrosion sous contrainte », de quoi parle-t-on ?

Bien connue dans l’industrie, la corrosion sous contrainte signifie qu’un matériau se dégrade et se fissure au contact d’un environnement chimique, sur quelques millimètres.

Ce phénomène a été décelé en octobre 2021 dans le parc nucléaire d’EDF, à proximité de soudures sur des portions de tuyauterie en acier inoxydable. Cela touche notamment les circuits d’injection de sécurité (RIS), qui servent à envoyer des trombes d’eau borée (contenant de l’acide borique) pour refroidir le réacteur en cas d’accident.

Depuis sa détection, EDF s’est aperçu que le problème touchait surtout les réacteurs les plus récents et puissants (1.300 et 1.450 MW), à cause de leurs sections de tuyauteries plus longues, avec plus de soudures, donc plus fragiles.

Pourquoi la fissure de Penly est d’un genre nouveau ?

EDF a révélé dans une note mise en ligne le 24 février un « défaut significatif » sur l’une de ces conduites de secours à Penly 1 (Seine-Maritime), mis en service au début des années 1990.

Cette fois, la fissure n’est pas « micro » mais « importante », d’une taille encore jamais envisagée : elle « s’étend sur 155 mm, soit environ le quart de la circonférence de la tuyauterie, et sa profondeur maximale est de 23 mm, pour une épaisseur de tuyauterie de 27 mm », a détaillé l’Autorité de sûreté nucléaire.

« On était donc assez proche d’une fuite », a assuré à Franceinfo Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Autre nouveauté, cette fissure semble liée à la façon dont la tuyauterie a été installée et soudée au moment de la construction de la centrale.

« Il y a eu une approche qui n’est pas acceptable, qui a consisté un peu à forcer les tuyauteries pour les aligner pour les souder, et il y a eu sur cette soudure des défauts qui ont conduit à une deuxième réparation », a expliqué mercredi le président de l’ASN, Bernard Doroszczuk, à l’Assemblée nationale.

Comment EDF traite le problème ?

EDF a été forcée depuis fin 2021 d’arrêter nombre de réacteurs pour les contrôler et les réparer : 16 des 56 réacteurs français sont concernés. Les travaux sont en cours ou prévus en 2023 pour 10 d’entre eux.

Initialement, EDF avait prévu d’inspecter les réacteurs d’abord par ultra-sons (sans avoir à découper les tuyaux) avant d’annoncer en décembre des réparations d’office.

Ces réparations d’ampleur ont contribué à faire chuter la production d’électricité nucléaire en 2022 à son plus bas niveau historique, en pleine crise énergétique, et à creuser les pertes de l’électricien (17,9 milliards d’euros en 2022). La France a toutefois échappé aux coupures de courant grâce aux efforts d’EDF pour reconnecter ses réacteurs en fin d’année 2022.

Finalement, EDF s’estimait en novembre être « sorti d’une situation de crise ». Mais avec la nouvelle fissure, de nouvelles incertitudes émergent.

Qu’est-ce qui attend EDF ?

« On est sur un point singulier, on n’est pas sur une explication générique. Cela ne veut pas dire que ce défaut ne peut pas apparaître ailleurs », a mis en garde le patron de l’ASN.

Le gendarme du nucléaire a de ce fait sommé mardi EDF de « réviser sa stratégie » pour résoudre le problème.

« EDF va donc devoir (...) contrôler un peu plus largement ses tuyauteries susceptibles d’être concernées », a précisé la n°2 de l’IRSN. Avec comme conséquence potentielle de « retarder le redémarrage de certains réacteurs ».

« S’il est un peu tôt pour en tirer les conséquences (...), ça rentrera évidemment dans l’évolution de leur analyse de la production nucléaire pour 2023 », a estimé Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de régulation de l’énergie.

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