En finir avec "le français aseptisé": l'Assemblée se penche sur la discrimination sur l'accent

Un homme portant un béret devant le Tour de France, à Orthez (Pyrénées-Atlantiques), en juillet 2007 (PHOTO D'ILLUSTRATION). - FRANCK FIFE / AFP
Un homme portant un béret devant le Tour de France, à Orthez (Pyrénées-Atlantiques), en juillet 2007 (PHOTO D'ILLUSTRATION). - FRANCK FIFE / AFP

La loi réprime déjà les discriminations fondées sur l'origine, le sexe ou le handicap, entre autres. Une proposition de loi débattue ce jeudi à l'Assemblée nationale entend ajouter un autre motif: l'accent, susceptible de constituer un obstacle, notamment à l'emploi, pour les "minorités audibles".

"Les grandes oubliées"

La mesure est soutenue par le député de l'Hérault Christophe Euzet, du groupe Agir allié à la majorité, un universitaire dont les intonations méridionales tranchent avec le "français aseptisé" qui domine selon lui, dans la parole publique.

"À l'heure où les minorités visibles bénéficient de la préoccupation légitime des pouvoirs publics, les minorités audibles sont les grandes oubliées du contrat social fondé sur l’égalité", plaide Christophe Euzet dans son exposé des motifs.

Sa proposition vise donc à rajouter un simple mot, "l'accent", à la longue liste des causes de discriminations sanctionnées par le Code pénal ainsi que le Code du travail: origine, sexe, orientation sexuelle, situation de famille, handicap, grossesse, patronyme, opinion politique, appartenance syndicale, croyance religieuse etc.

Promouvoir la diversité

La proposition veut promouvoir "la diversité de prononciation de la langue française", en "prohibant les discriminations par l'accent que l'on constate factuellement dans les fonctions impliquant, tout particulièrement, une expression publique".

Le député de centre-droit juge "indispensable" en cette "période de doute quant à la cohésion des territoires qui fondent la Nation, d'adresser un signe de reconnaissance fort, en favorisant la revalorisation des prononciations atypiques".

"Les accents n'ont aucun droit de cité sur les chaînes de radio et de télévision, dans le monde politique et à la tête des grandes fonctions, administrations ou entreprises publiques françaises", assure le député.

Ce dernier s'appuie par ailleurs sur un sondage réalisé par l'Ifop en mai dernier, selon lequel 27% des Français déclarent essuyer des moqueries, "souvent" ou "de temps en temps" à cause de leur accent.

Castex, un signal encourageant

Selon lui, le mouvement des gilets jaunes s'explique en partie à cause de ça: "l'intensité de la crise dans le sud, dans le nord et dans certains territoires est aussi due à un sentiment de non-représentation dans la parole publique", juge-t-il.

"Notre Nation, qui se félicite souvent de la grande diversité de ses terroirs, désole donc, paradoxalement, par l'uniformité lissée de son expression publique", déplore l'élu natif de Perpignan.

Toutefois, le député estime que la nomination de Jean Castex à Matignon est un progrès: "le fait que le Premier ministre Jean Castex allie accent du sud et parcours remarquable va peut-être aider à normaliser un peu les choses", avance-t-il.

Article original publié sur BFMTV.com