Financement du terrorisme: six proches d'enfants retenus en Syrie toujours en garde à vue

Mardi, une trentaine de personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue pour "financement du terrorisme". Parmi elles se trouvent six proches d'enfants français retenus dans les camps de réfugiés en Syrie. Une situation "scandaleuse", selon leur avocate.

"Est-ce qu’ils n’ont pas assez souffert?", s’indigne Marie Dosé. L’avocate représente des grand-parents, oncles ou tantes d’enfants retenus dans les camps d’Al-Hol et d’Aïn Issa, en Syrie. Depuis mardi, six d’entre eux sont placés en garde à vue pour financement du terrorisme et association de malfaiteurs terroriste criminelle. La justice leur reproche d’avoir envoyé, via des plateformes de bitcoins, de l’argent pour subvenir aux besoins de leurs proches, qui survivent depuis des mois dans des conditions déplorables.

Coup de filet

L’opération a été présentée comme un coup de filet dans le cyberfinancement du terrorisme. 55 perquisitions se sont déroulées dans la journée de mardi, à travers 26 départements. À la clé, 29 personnes, âgées de 22 à 66 ans, ont été placées en garde à vue, la plupart pour avoir "injecté des fonds dans le réseau au bénéfice de proches se trouvant en Syrie." Deux autres sont par ailleurs suspectés d’être les "chevilles ouvrières" de l’organisation. Mercredi à 15 heures, l'ensemble des gardes à vue était encore en cours, indique à BFMTV.com le Parquet national antiterroriste (Pnat), ajoutant que 21 personnes sont par ailleurs entendues en audition libre.

L’opération fait suite à l’ouverture d’une enquête préliminaire le 24 janvier 2020, après un signalement de Tracfin, l’agence de Bercy chargée de détecter les circuits financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Le réseau, "actif depuis l'année 2019", "repose principalement sur l'achat, en France, de coupons de cryptomonnaie dont les références ont été transmises par messagerie sécurisée à des jihadistes présents en Syrie, puis crédités sur des plateformes de bitcoins." Les auditions, et à fortiori les garde à vue, ont pour but de comrpendre le "fonctionnement précis de la structure, mais aussi son ampleur", nous précise le Pnat.

Cas de force majeure

Contactée par BFMTV.com, Marie Dosé, qui suit ces familles depuis la chute du califat, confirme que ses clients ont eu recours à ce réseau de cryptomonnaie. Dans un premier temps, ces dernières envoyaient de l’argent par Western Union ou Moneygram via la Turquie, mais ces plateformes ont progressivement bloqué tout envoi d’argent vers la Syrie.

"Ils sont en garde à vue pour vouloir sauver des enfants, alors que la France les laisse en danger de mort, déplore la pénaliste. Ils n’ont pas d’autres moyens, c’est un cas de force majeure."

L’avocate a d’ailleurs informé dès cet été le Pnat que les familles n’avaient désormais plus d’autres solutions pour subvenir aux besoins de ces enfants, dont la majorité ont moins de cinq ans, rappelait récemment Jean-Charles Brisard, le président du Centre d’Analyse du Terrorisme.

Des gardes à vue “disproportionnées, scandaleuses”

Les familles ne sont pas en mesure de "choisir l'intermédiaire", ajoute Marie Dosé, ni d'agir si des personnes "mal intentionnées" ponctionnent de l’argent sur ces virements. Pour autant, elles coopèrent avec la justice, se présentent à chaque convocation, "transmettent chaque fois toutes les informations dont elles disposent", mettant "un point d’honneur à répondre avec autant de précision que possible aux questions des enquêteurs", souligne la pénaliste dans un communiqué.

"Que le PNAT nous explique comment envoyer de l'argent pour nos petits-enfants sans finir menotté et placés en garde à vue", a protesté le collectif des Familles Unies, rassemblant des proches d'enfants retenus en zone irako-syrienne.

"Ces gardes à vue sont disproportionnées, scandaleuses", poursuit l'avocate, remarquant que les envois d’argent ont démarré lorsque leurs proches étaient dans les camps et non avant, lorsqu'ils étaient sous le joug de Daesh.

Dans les colonnes du Parisien

Article original publié sur BFMTV.com

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