Fin de vie : l'Assemblée refuse qu'un proche puisse décider d'administrer la substance létale

Après d'âpres débats ce jeudi 6 juin, conviction contre conviction, les parlementaires, contre l'avis initial du gouvernement, ont rétréci les possibilités d'administration de la substance létale au malade.

Geste "d'humanité" ou "franchissement éthique": les députés ont tranché ce jeudi 6 juin après des débats acharnés sur "l'aide à mourir". Depuis deux jours, les députés ferraillaient sur le cœur du projet de loi dédié à la fin de vie qui permettra à certains malades, dans des conditions strictes, de recevoir une "substance létale".
C'est l'article 5, hautement polémique, qui définit le mode d'administration de cette nouvelle aide à mourir. Les députés ont décidé si un proche avait le droit d'administrer cette substance ou non ou si seule l'auto-administration et l'administration par un médecin étaient autorisées.

L'article 5 définit ainsi l'aide à mourir: elle consiste à "autoriser [...] une personne [...] à recourir à une substance létale, [...] afin qu'elle se l'administre ou, lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne majeure qu’elle désigne".

Comme l'a rappelé la ministre de la Santé Catherine Vautrin, le gouvernement a voulu faire de l'auto-administration la règle, mais permettre aux médecins ou aux proches de prendre part au geste si le malade n'en a pas la capacité.

"Je ne me vois pas, à titre personnel, interdire cette possibilité", a expliqué le rapporteur Modem, Olivier Falorni, qui évoque un "acte final" pouvant être fait "par amour, par compassion".

Des députés, hostiles, ont signalé les dégâts psychologiques sur les familles de devoir faire un tel geste. "Les dégâts psychiatriques et psychologiques peuvent être dramatiques", a affirmé le RN Jocelyn Dessigny.

"Que le proche, par amour, accepte de faire cet acte ou qu'il s'y refuse, dans les deux cas ce sera extrêmement lourd à porter", a défendu de son côté la secrétaire générale des Républicains, Annie Genevard.

À une voix de différence, 43 pour et 42 contre, les députés ont choisi de supprimer dans l'article 5, qui définit l'aide à mourir, la possibilité pour un proche d'administrer la substance létale.

Les débats de l'article 6, le plus sensible, sur les "conditions d'accès" strictes à l'aide à mourir, devraient débuter dans la foulée ce jeudi à partir de 15h. Pour accéder à une aide à mourir, une personne devra répondre à l'intégralité des cinq conditions définies dans cet article 6.

"Être âgée d'au moins 18 ans, être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France, être atteinte d'une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale, présenter une souffrance physique, accompagnée éventuellement d'une souffrance psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas de traitement ou a choisi d'arrêter d'en recevoir, être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée."

Le gouvernement voudrait revenir à la version initiale de son projet de loi qui limite cet acte aux malades majeurs dont le "pronostic vital" est engagé "à court ou moyen terme" et qui en manifestent la "volonté de manière libre et éclairée". En commission, les députés ont voté pour qu'elle concerne plus largement les personnes atteintes d'une affection "grave et incurable en phase avancée ou terminale" et certains poussent pour permettre aux proches de faire valoir des directives anticipées quand un patient n'est plus en mesure d'exprimer sa volonté.

Pour les débats à venir sur les conditions d'accès à l'aide à mourir, l'Académie de médecine avait plaidé mardi 4 avril pour revenir à la version initiale plus stricte du projet de loi se basant sur le "pronostic vital engagé à court ou moyen terme", au lendemain d'un plaidoyer inverse d'associations de malades.

Article original publié sur BFMTV.com