« Le Figaro » accusé de « révisionnisme sur Franco » par ces politiques et historiens

Le quotidien conservateur a donné la parole à un historien très controversé de l’autre côté des Pyrénées, avant de relayer sa thèse sur la guerre d’Espagne sur les réseaux sociaux.


POLITIQUE - L’interview est d’abord passée inaperçue. La vidéo qui en découle, nettement moins. Nombreux responsables politiques (pour la plupart de gauche), appuyés par des historiens et universitaires accusent, sur les réseaux sociaux, le quotidien « Le Figaro » de promouvoir des thèses révisionnistes sur la guerre d’Espagne et son vainqueur, le dictateur Franco.

Retour au 25 juillet dernier. Le journal publie un entretien fleuve de Pío Moa, un journaliste espagnol, historien autodidacte très contesté de l’autre côté des Pyrénées, dans lequel il développe sa thèse selon qui « tout ce qui a été écrit » concernant cette période est « faux ». Selon lui, la guerre civile n’incombe pas à Franco, qui dirigera l’Espagne pendant près de quatre décennies à travers une dictature militaire sanglante, et au soulèvement des généraux. Elle est plutôt le fruit de la radicalisation de la gauche à l’époque.

En d’autres termes : « Le coup d’État militaire du camp national a été une réaction de légitime défense face au chaos » souhaité et organisé par la gauche. Ce sont ces mots, repris par la rédactrice en chef du Figaro, Isabelle Schmitz, dans une vidéo publiée sur Twitter le jeudi 11 août, qui suscitent des réactions indignées.

« Une lecture révisionniste fondée sur rien »

Pour Alexis Lévrier, il s’agit d’une séquence « incroyable » et « consternante. » « En inversant la réalité historique, elle diabolise les Républicains espagnols et exalte le rôle de Franco », dénonce cet universitaire spécialiste de la presse. Dans le même esprit, le chercheur au CNRS et historien, Denis Peschanski, fustige la promotion d’« âneries » et « une lecture révisionniste fondée sur rien ».

Même constat pour Pierre Salmon, un docteur en histoire, auteur de plusieurs livres sur la guerre d’Espagne. Celui qui enseigne à l’université de Caen publie de nombreux messages sur Twitter pour contredire « les mensonges et raccourcis » d’une vidéo « scandaleuse », qui « en dit beaucoup », selon lui, « sur les manipulations de l’histoire par la droite française et espagnole. »

« Depuis hier soir, nous échangeons entre collègues pour partager notre révolte et nos impressions », écrit-il, en expliquant que les militaires, à l’époque, ont brandi la menace communiste pour justifier leur coup d’État, alors que l’Union soviétique n’avait que peu de prise en Espagne. « Au nom du retour à l’ordre, les massacres se succèdent », rappelle-t-il, en citant comme exemple le « massacre de Badajoz » lors duquel 2 000 à 4 000 militants de gauche ont été tués sans procès.

D’autres spécialistes préfèrent ironiser quant à la publication du Figaro. « Expliquer que le Général Franco rejetait la violence et que son coup d’État n’était qu’une ’légitime défense’ face à la gauche, bravo (...) record battu », écrit par exemple côté Franck Gaudichaud, historien à l’université de Toulouse.

La gauche atterrée

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant de voir la polémique sortir du champ « historique » pour atterrir sur le terrain politique. Depuis la publication de la vidéo du « Figaro », nombreux sont les élus, souvent insoumis ou écolo, à faire entendre leur consternation. « Tiens, et si on profitait du mois d’août pour réhabiliter Franco ? », écrit par exemple le porte-parole du parti communiste Ian Brossat dans un message qui cache difficilement son agacement.

Son collègue David Cormand, eurodéputé EELV tape plus fort et estime ainsi que « la droite et son journal de référence », « largue les amarres de la République ». « Cela passe par exemple ici par la légitimation d’un récit révisionniste pro-franquiste », dénonce l’ancien patron des Verts.

Clémentine Autain, elle, invoque George Orwell qui après « la guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force », aurait pu ajouter : « La guerre d’Espagne, c’est la faute à la gauche ».

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