Les femmes ont toujours été moins bien traitées que les hommes, et cela expliquerait leur différence de taille

Les femmes ont toujours été moins bien traité que les hommes, et cela expliquerait leur différence de taille
Tim Robberts / Getty Images Les femmes ont toujours été moins bien traité que les hommes, et cela expliquerait leur différence de taille

PRÉHISTOIRE - Les femmes sont moins grandes que les hommes ? Au départ, cela n’a rien d’évident. Pour l’archéologue préhistorique Eva Rosenstock, qui a récemment publié ses résultats dans la revue Nature, cela ne doit ni au hasard, ni à un choix de dame nature : la cause, ce serait la différence de traitement entre homme et femme à travers les âges.

C’est en analysant les os de 1 535 individus que les chercheurs ont noté que les femmes de la période du Néolithique (6000-8000 ans avant notre ère) étaient déjà plus petites que les hommes dans le nord de l’Europe Centrale. Mais voilà : cette différence de taille ne pouvait être expliquée ni par la génétique, ni par une alimentation différente (qui peut causer des altérations de la croissance).

Une différence de taille à première vue inexplicable

Eva Rosenstock, aux côtés d’une autre anthropologue, Samatha Cox, s’est alors plongée dans cette vaste culture du Néolithique, nommée LBK (ou rubannée), une communauté d’agriculteurs installés dans le centre-nord de l’Europe. Les expertes ont cherché à reconstruire comment le contexte social, culturel et économique aurait pu impacter le développement de ces agriculteurs.

Distribution des cultures néolithiques, 5000 ans avant notre ère.
Wikipedia Distribution des cultures néolithiques, 5000 ans avant notre ère.

La taille atteinte par une personne dépend essentiellement de son alimentation et de son histoire génétique… mais ici rien ne collait. Il n'y avait pas de corrélation entre la dimension des fémurs et la quantité de nutriments, reçus. Quant aux facteurs génétiques, ils n’expliquaient en rien cette disparité homme/femme.

Malgré des codes ADN presque identiques, les fémurs des hommes étaient de 14 % plus grands que ceux des femmes, une différence considérable. « Avec mon collègue Iain Mathieson, on a pensé que si la génétique n’arrivait pas à expliquer cette différence, ni l’alimentation, il fallait individuer un autre facteur, Rosenstock a-t-elle expliqué au HuffPost. Il restait donc une piste à fouiller : celle de l’environnement où ces femmes ont vécu.

Un fardeau bien trop lourd

La tribu LBK présentait d’importantes différences avec d’autres sociétés plus méridionales, comme les homo sapiens vivant autour de la Méditerranée. En étudiant les squelettes et en les comparant à leurs voisins, les chercheurs se sont aperçus que le « stress environnemental » (comme le manque de nourriture, les intempéries...) avait beaucoup touché les hommes et femmes de la tribu que leurs voisins du sud. Mauvaises récoltes, temps froid… les facteurs sont connus.

Pourtant, dans le cas de LBK, la stature des femmes était notoirement plus petite que les hommes, comme si elle avaient encore plus souffert de ce stress. Ce qui n’était pas le cas des femmes méridionales, dont la taille est restée sensiblement la même que celle des hommes.

Pour la paléonthologue, les pratiques culturelles sont en cause dans cette fragilité. D’abord, il est possible que les bébés filles aient été sevrées plus tôt que les hommes, ce qui aurait impacté leur taille à partir d’un très jeune âge. Ensuite, les femmes avaient un rôle bien différent des hommes dans la société, car relié surtout à celui de mère et d’épouse. Leur corps était alors plus vulnérable au stress et aux altérations, notamment en cas de grossesse précoce. Leur corps a dû prendre en charge le développement de deux individus en même temps, le leur et celui du bébé.

Enfin, se marier très tôt, avec le stress émotif que cela implique, pourrait avoir empêché aux femmes d’obtenir la taille génétiquement prévue. « On sait des informations qu’on détient déjà sur la population LBK qu’ils avaient un système patrilocal, c’est-à-dire que les femmes devaient quitter leur foyer pour rejoindre celui du mari. Mais imaginez la jeune fille partir toute seule loin de sa famille : le fardeau émotionnel, même une forme de dépression, a pu impacter son développement. »

Les sociétés patriarcales du Néolithique à aujourd’hui

Que les inégalités entre hommes et femmes puissent affecter la croissance des enfants n’a d’ailleurs rien d’une théorie farfelue. En pédiatrie, il existe un type de retard de croissance causé directement par des facteurs émotifs. Ces considérations s’appuient sur l’analyse de sociétés actuelles particulièrement dimorphes (où les femmes diffèrent physiquement des hommes). C’est notamment le cas de l’Inde, où les femmes étaient fortement discriminées dans les années 1980, et où l’on enregistre un taux de dimorphisme de taille très élevé.

« La logique dans ces sociétés est la suivante : si une population vit dans la richesse, elle peut se “permettre” d’être gentille avec les filles. Alors que si elle a du mal à maintenir ses membres en vie, elle s’assurera d’abord qu’il y a assez d’hommes pour cultiver le sol », explique l’archéologue.

C’est exactement ce qui met en évidence l’étude. La population dans le Nord de l’Europe, soumise à une quantité de stress supérieure que celle de la Méditerranée, a compensé cette difficulté en privilégiant les hommes. Une question encore peu étudiée sur les morphologies contemporaines, qui pourrait pourtant expliquer d’autres dimorphismes.

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