Les femmes que j’accompagne cherchent à s’épanouir, mais pour qui ? Elles, ou la société ?

Leur temps, votre argent? La question qui fâche du HuffPost à cette coach-philosophe pour PDG
Tempura via Getty Images Leur temps, votre argent? La question qui fâche du HuffPost à cette coach-philosophe pour PDG

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Je constate que les femmes que j’ai en face de moi viennent avec le récit de leurs vie, c’est-à-dire le condensés des moments forts et marquants de leur existence.

FEMMES - Je suis coach en cours de certification. A chaque séance j’oublie mes certitudes, mes repères sont professionnels ont notamment trait à ma posture : écoute, non-jugement et bienveillance. La personne accompagnée doit s’exprimer librement. En effet c’est bien d’elle dont il s’agit, ou plutôt d’elle dans son projet.

Je retiens une chose à ne surtout pas oublier : exercer la convexité de mon regard sur le propos la personne accompagnée. Ainsi j’écoute sans trop me laisser entraîner par le récit, et j’interroge l’essence, le « pourquoi », le « comment », la rhétorique réduite à sa plus simple expression doit être guidée par l’émergence d’un objectif. Si la demande résonne de prime abord comme une demande d’épanouissement professionnel (donc) personnel, ce qui m’interpelle c’est que chacune des demandes dépasse la quête du seul développement personnel. Alors que certains peuvent y voir l’essor d’une pensée productiviste qui s’immisce dans la sphère personnelle, je me demande si dans un environnement socialement instable, le coaching n’est pas un bastion de résistance sociale ? … Suivez-moi !

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Le coaching comme moyens d’aligner ses pensées et ses actes…

Les femmes sont la majorité des personnes accompagnées en coaching. Je les accompagne dans leurs enjeux professionnels. Je constate que les femmes que j’ai en face de moi viennent avec le récit de leurs vies, c’est-à-dire les condensés des moments forts et marquants de leur existence. Elles m’exposent leurs projets et je note que souvent elles culpabilisent d’avoir « procrastiné », que certaines se sont nourries de développement personnel, et d’autres moins. Je note que le point commun est la recherche d’alignement entre la pensée et les actes. Cela peut pour certains sembler une préoccupation vile et/parce qu’égocentrée. Mais il faut reconnaître que l’on est loin de l’épanouissement béat pourfendu par certains. Ainsi, une connaissance a pu me dire que j’accompagnais les femmes à se regarder le nombril. J’ai perdu patience car j’ai cet exemple d’une mère de famille ultra-bookée qui cherchait à « concilier vie personnelle et vie professionnelle » et qui désirait (enfin) explorer les reliefs de sa vie tout en se préoccupant de ne pas négliger ses enfants. La tension ontologique était palpable. C’était l’un de mes premiers coachings et je n’avais pas encore le recul celui qui me fait dire aujourd’hui que ces femmes, plus que leur développement personnel, cherchent le développement de leur pouvoir d’action.

Pour développer son pouvoir d’action c’est-à-dire imaginer les marges d’actions dans un environnement donné

Alors que le développement personnel se concentre sur la seule subjectivité du client, le pouvoir d’action prend aussi en compte sa relation au monde afin de développer l’emprise sur son histoire. C’est un travail d’introspection comme d’extrospection : dans quelle société je vis afin de me permettre d’imaginer les marges d’action possibles. Ainsi, il ne s’agit pas de nier les « déterminants » d’une histoire ou d’un vécu mais de composer avec ces bagages afin de louvoyer d’un monde d’incertitudes sociale et structurelle. Je me rappelle ainsi avoir été impressionnée par le parcours de J., venue d’un pays lointain, reprenant ses études en France à plus de trente ans, se hissant comme manager dans la distribution et souhaitant aujourd’hui créer son entreprise. Elle est loin d’être née avec une cuillère d’argent dans la bouche mais on ne peut nier que c’est sa détermination qui l’a menée là où elle se trouve… Face à elle-même, interrogeant le monde.

Certaines personnes penseront encore qu’en quête d’elles-mêmes, telles Narcisse, elles tentent de contempler la meilleure version de leur personne dans une recherche éperdue d’une vie parfaite. Pourtant, lors de notre rencontre lors d’un séminaire, je n’ai vu qu’une idée lumineuse, (tellement, que je la travestis légèrement pour des raisons de confidentialité) : proposer l’envoi d’une boîte de cadeau mensuelle à des séniors. L’expérience arrivant, j’ai compris qu’il fallait que j’interroge sur l’essence du projet, pourquoi : pourquoi une boîte cadeau, pourquoi des séniors, la philosophie de sa démarche, etc. Eh bien J., qui était dans la transmission, se disait qu’il fallait recréer du lien avec nos aînés, souvent seuls et oubliés, eux qui nous avaient pourtant transmis.

Affirmer son leadership « une démarche militante »

J. n’est qu’un exemple parmi d’autres. Et quand bien même la motivation serait pécuniaire, où est le mal de vouloir s’affranchir des déterminants de sa vie ? Ainsi, la puce à l’oreille, je décide d’interroger une professeure de leadership dans le cadre académique. À la question « Écrire sur le leadership est-il une démarche militante ?  », je vois mon interlocutrice s’agacer : « Je comprends pourquoi vous me posez cette question… Bien sûr que c’est une démarche militante, ne voyez-vous pas ces jeunes qui essaient d’agiter l’opinion publique sur les enjeux écologiques ? ». Je comprends que sans vision, sans volonté de faire bouger les lignes, sans l’élan de ces derniers, c’est-à-dire sans leader et sans reconnaissance de sa démarche, point de changements. Oui, l’idéal part d’une idée ou d’une vision toute personnelle, que l’on veut faire partager. J’ai affaire à des leadeuses dans l’antichambre de la validation de leur projet par le Groupe.

…Car il s’agit d’affirmer un désir d’impact social/sociétal

Certes, au début, la demande paraît souvent d’une confuse matérialité. On s’imagine dans le vague, menant sa barque. Mais s’intéresser au quoi c’est faire abstraction de l’essence : « Pourquoi » ? Voilà une question qui mène sur les ombragés sentiers du désir de reconnaissance, celle de la validation par ses pairs de son désir de contribution sociale. Toutes ont un projet, une ambition personnelle. Et toutes, au cours des séances, me font part de leur désir d’impact social : la transmission d’une vision sociale plus juste, l’envie d’être dans le care, l’envie de partager leur vision de la collaboration. En fait, il s’agit pour beaucoup de créatrices d’entreprise, mais leur demande est celle de plus horizontalité et de collaboration dans le monde du travail. En fait, en interrogeant ces femmes sur leurs valeurs, je comprends qu’elles sont la pierre angulaire de leurs actions. Sans celle-ci, où serait l’intérêt à entreprendre ? Je me remémore ainsi Z., femme investie et inspirée par l’air du temps ; elle souhaitait évoluer dans le secteur du recrutement pour y proposer et partager des pratiques conformes à ses valeurs, c’était sa façon d’avoir un impact.

La somme des individualités ne fait pas société mais elle y contribue

Ce que je veux dire c’est que j’accompagne des femmes aux projets ambitieux par leur désir d’impact social, elles sont en recherche de leur leadership. Si par mes lectures, j’ai l’impression néanmoins d’être dans une société blasée, inerte face aux urgences contemporaines, les individualités font de la résistance, rêvent, créent, tentent d’innover. Au point que je me demande si la somme des individualités ne fait pas société… Et je comprends que non, pas tout à fait puisque ces projets nécessitent la validation du marché, donc de l’autre et du Groupe.

En fait je crois qu’il est beaucoup plus facile de s’en prendre au coaching comme outil d’un capitalisme triomphant que de se dire que la demande intervient auprès du coach là où le politique, les affaires de la Cité s’arrêtent, afin de souvent résoudre une frustration. Par exemple la demande de « Comment concilier vie familiale et vie professionnelle » ou « J’entreprends et j’aimerais être accompagnée » interviennent lorsque les modes de garde trouvent leurs limites, ou le travail domestique ou entrepreneurial ne sont pas reconnus ou promus à leur juste valeur. C’est à cet interstice que le groupe social laisse le champ à l’individu, aujourd’hui seul et en recherche de solutions prolifiques et ingénieuses. Oui, j’en suis convaincue, par les aspirations, les idées et les projets qu’elle génère, la recherche de l’épanouissement est un acte de résistance ou d’adaptation sociale de la part d’un grand nombre de personnes que j’accompagne.

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