Faut-il craindre une hausse des syndromes de Guillain-Barré en France ?

Après une épidémie de dengue, le Pérou enregistre une recrudescence de ce syndrome. La France enregistre de son côté une hausse du nombre de cas de dengue. De quoi s'inquiéter ?

État d'urgence sanitaire au Pérou, après une augmentation brutale du nombre de cas de syndrome de Guillain-Barré depuis le début de l’année. Une résurgence qui arrive quelques mois après une épidémie de dengue qui a touché le pays, suite au cyclone Yaku survenu en mars et qui a attiré le moustique transmetteur de cette maladie.

"Le syndrome de Guillain-Barré n'est pas une infection, c'est une réaction post-infectieuse. Le système immunitaire se bat contre l'infection, se débarrasse du virus ou de la bactérie, puis c'est un effet secondaire d'un système immunitaire trop activé qui attaque quelque chose qui ressemble le plus aux protéines du virus ou de la bactérie, et dans ce cas ce sont les protéines du nerf", nous rappelle Nicolas Weiss, co-auteur de plusieurs études sur le syndrome et qui exerce au service de médecine intensive et réanimation du département de neurologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Au Pérou, un lien avec la dengue pas encore avéré

Depuis le début de l'année, le syndrome de Guillain-Barré a été diagnostiqué plus de 180 fois dans le pays, entraînant la mort de quatre personnes. Toutefois, relève Nicolas Weiss, on dispose encore de peu d'informations.

"La dengue n'est pas le principal agent infectieux qui donne du Guillain-Barré. L'infection à campilobactere jejeuni est le premier responsable de ce syndrome en Asie. Or, au Pérou, onze cas ont été testés positifs au campilobactere jejeuni. Sur près de 200, ça reste peu. Mais en 2019, il y a eu au Pérou un épisode d'augmentation brutale d'incidence du syndrome Guillain-Barré, en lien avec des infections à campilobactere jejeuni. Donc on peut avoir tendance à plutôt incriminer une infection à campilobactere jejeuni, plutôt qu'à la dengue pour expliquer cette hausse de l'incidence de syndrome Guillain-Barré même s'il faut attendre davantage de données", tempère le spécialiste, se reposant sur le rapport de la branche locale de l'OMS, l'Organisation panaméricaine de la santé.

"La dengue n'est pas l'arbovirose qui donne le plus de syndromes de Guillain-Barré"

En France, Santé Publique France vient de publier une étude alertant sur une nette augmentation des cas de dengue. En 2022, la situation est qualifiée d'"exceptionnelle" par SPF avec 378 cas importés de dengue, et un nombre de cas autochtone recensés pour la seule année 2022 supérieur au nombre de cas identifiés entre 2010 et 2021 (66 cas contre 48).

Pour autant, Nicolas Weiss tient à préciser que "la dengue n'est pas l'arbovirose qui donne le plus de syndromes de Guillain-Barré, on a cependant des preuves pour Zika et le chikungunya. Évidemment, si on a beaucoup de dengue, il y aura proportionnellement plus de cas de Guillain-Barré", poursuit le spécialiste.

Une hausse "inéluctable" des cas de dengue à l'avenir

En 2016, une étude de l'institut Pasteur menée en Polynésie où les deux tiers de la population ont été infectés par le virus Zika entre 2013 et 2014 montre un lien entre l’infection par le virus Zika et l'augmentation des syndromes de Guillain-Barré. "Le risque de développer un syndrome de Guillain-Barré a été estimé à 2,4 pour 10 000 infections par le virus Zika", note le professeur Arnaud Fontanet, auteur de l'étude.

Mais dans son étude, Santé Publique France relève également une hausse des cas de virus Zika et de chikungunya, et une propagation du moustique tigre sur le territoire : "Au 1er janvier 2022, il était considéré comme implanté et actif dans 67 des 96 départements métropolitains", souligne l'étude. Au 1er janvier dernier, il était recensé dans 72 départements.

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L'ex-conseil scientifique, le Covars, alertait en avril dernier sur une hausse "inéluctable" du nombre de cas de dengue, chikungunya et Zika sur le territoire national, en raison de la multiplication des voyages internationaux et du réchauffement climatique, favorisant l'implantation du moustique tigre. Ce qui pourrait changer la donne à l'avenir.

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