Farida Khelfa, victime d’inceste et de violence infantile : “Toutes les nuits, il se passait quelque chose de terrible. Il venait hanter les matelas surpeuplés d'enfants"

Grande figure de la mode, actrice et réalisatrice, Farida Khelfa a une carrière des plus réussies. Mais derrière tous ses succès, l’ex-top model de 63 ans cache aussi des failles, des failles sur lesquelles elle a accepté de revenir pour Yahoo. Marquée par une enfance compliquée, dont les stigmates se font encore sentir, elle s’est livrée à cœur ouvert sur son histoire. Un témoignage poignant.

Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.

À chacun son histoire. Et la sienne est particulièrement poignante. Une histoire dont elle parle dans son ouvrage “Une enfance française” (ed. Albin Michel), disponible depuis le 17 janvier dernier. Grande figure de la mode, actrice et réalisatrice, Farida Khelfa s’est épanouie dans sa vie professionnelle. Mais contrairement aux apparences, elle n’a pas eu toujours la vie rose. Sous le joug d'un père alcoolique et violent, elle a vécu de terribles moments. Tout comme sa mère et ses neuf frères et sœurs.

Son enfance, sans trop d'amour et de tendresse, a été tout simplement saccagée. “Lorsqu’il était violent, je le haïssais, je souhaitais sa mort”, se remémore-t-elle tout en expliquant avoir toujours eu peur pour sa mère. “Ce qui me faisait le plus mal, c’est lorsqu’elle se faisait frapper. J’avais peur qu’il lui arrive quelque chose de terrible. C’était d’une violence extrême et la violence entre adultes fait très peur aux enfants”, reconnaît-elle. Mais sa mère n’est pas la seule à faire les frais de sa brutalité. “Mon père se déchaînait. Des coups de ceinture, des coups de câble de télé, des coups de pieds, des coups de poing”, une agressivité qui lui a laissé des marques indélébiles. “J’ai une cicatrice sur le crâne que je touche très souvent. J'ai vu les étoiles aussi, très tôt”, explique-t-elle tout en confiant avoir toujours vu ça dans les dessins animés sans en comprendre vraiment la réelle signification avant d’en faire elle-même l’expérience.

"Sale Arabe"

Comme elle l’explique, cette brutalité résulte probablement de divers traumatismes. “Il y a quelque chose de l'ordre de la haine de soi. Lorsque l’on frappe ses enfants si petits, c'est qu'on se hait soi-même, aussi car c’est quand même l'extension de soi, ses enfants”, confie-t-elle, expliquant avoir tout de même pu compter sur ses frères et sœurs pour surmonter ces moments de terreur. “La fratrie, c’est très important dans la maltraitance car lorsqu’on est ensemble, on se soutient les uns les autres. On préférait par exemple recevoir une pluie de coups plutôt que de dénoncer quelqu’un”.

Pour autant, Farida Khelfa ne supporte plus cette situation. Une “grande révolte” l’envahit, une révolte nourrie par sa sphère familiale mais aussi par l’environnement extérieur et notamment par le racisme dont sa famille et elle sont victimes. À l’école, dès ses six ans, elle se fait insulter de “sale Arabe” par son instituteur et perçoit rapidement une certaine injustice entre elle et ses petits camarades. Pour autant, il est tout simplement hors de question pour elle d'être vue comme une victime. C'est pourquoi, elle tient à relativiser. "Effectivement, dans la vie nous ne sommes pas acceptés par tout le monde. Ce n’est pas grave. On ne demande pas à être aimé. On demande juste à ne pas être agressé et à ne pas être insulté”.

Mais le regard des autres n'est pas son seul problème. Outre la violence qu’elle subit au domicile familiale, elle subit également les abus sexuels de son oncle pédophile, pendant les vacances. Ce “dévoreur d’enfants”, comme elle le nomme, la terrorise. Dès qu’elle le voit, un grand sentiment d’angoisse l’envahit. “Je savais que quelque chose allait se passer et effectivement, toutes les nuits, il se passait quelque chose de terrible. Il venait hanter les matelas surpeuplés d’enfants et ça, ça me terrifiait”.

"Personne ne pouvait me défendre"

Sans grande surprise, elle commence à faire des crises de panique et supplie sa mère de ne plus l’y emmener. Mais sa parole ne trouve pas écho et Farida prend conscience d’une réalité bien dure. “Très tôt, j’ai compris que j’étais seule dans la vie et qu’en fait, personne ne pouvait me défendre”, confie-t-elle tout en expliquant avoir pu s’échapper de ce monde à ses 16 ans après plusieurs années de souffrance. Forte d’un mental d’acier, Farida parvient finalement à vivre en femme libre et à se créer une place de choix dans le monde de la mode, un monde grâce auquel elle réussit à retrouver confiance en l’Homme.

“J’ai toujours pensé que je devais prendre ma vie en main. Nous n’avons pas tous des bons départs dans la vie mais nous ne pouvons pas être victimes de notre enfance”, explique-t-elle, confiant avoir pris une belle revanche sur la vie. Vedette des podiums, Farida Khelfa passe alors par les plus grands : Jean-Paul Gaultier, Thierry Mugler et Jean-Paul Goude. Courtisée dans le monde entier, elle ne doit son succès qu’à elle-même mais n’oublie pas pour autant ses racines, un passé qu’elle voulait garder secret mais dont elle a décidé de parler à la mort de sa mère. Un déclic qu’elle ne regrette pas.