Face aux violences racistes, l’inquiétude monte : « Je sais que je peux devenir un fait divers »

« Ce sont des groupes néonazis qui promeuvent une idéologie violente. En tant que femme noire, si je me retrouve face à eux dans une rue, je sais que je peux devenir un fait divers »
fotostorm / Getty Images « Ce sont des groupes néonazis qui promeuvent une idéologie violente. En tant que femme noire, si je me retrouve face à eux dans une rue, je sais que je peux devenir un fait divers »

TÉMOIGNAGES - Concert « néonazi », descente violente qualifiée de « ratonnade » à Romans-sur-Isère, tags antisémites dans les rues, rassemblements identitaires… En l’espace de quelques semaines, plusieurs événements et faits divers racistes ont fait l’actualité en France.

Et si l’existence des mouvements d’extrême droite à l’origine de ces actions n’est pas nouvelle, nombreux sont celles et ceux qui perçoivent un tournant violent - notamment les personnes non-blanche qui se savent cibles de ces discours et actions. Auprès du HuffPost, cinq d’entre elles témoignent de leur anxiété face à cette montée en violence de l’extrême droite.

« Depuis quelque temps, je suis plus alerte »

Le soir de la descente de l’ultradroite à Romans-sur-Isère, Habib* était en famille. « On est tombés sur ces images à la télévision et mes parents n’ont pas pu s’empêcher de nous dire, à ma sœur et à moi, “Faites attention, regardez bien autour de vous tout le temps” », explique le trentenaire.

Une remarque qui fait écho à son ressenti depuis plusieurs jours : « Jusqu’ici, je n’imaginais pas que je pourrais être victime d’une agression raciste. Mais depuis quelque temps, je suis plus alerte : je fais un peu plus attention dans le métro, dans la rue. J’imagine que nous sommes de nombreux musulmans ou perçus comme tels à penser à ce cas de figure. »

Il n’est pas le seul à être déstabilisé par la présence récurrente des groupes identitaires dans l’espace public. « J’ai une tête d’arabe, et je sais que si je suis dans la rue au moment de ce genre de descente ou quand il y a des “ratonnades”, je peux être pris pour cible, explique Florian*. Et je crains qu’à long terme, ma sécurité comme celle de toutes les personnes immigrées ou descendantes de l’immigration soient menacées. »

Un sentiment d’anxiété qui s’installe

Pour Elena, c’est un sujet de conversation de plus en plus régulier. « On en parle souvent avec ma colocataire. Chaque fois qu’on voit ces violences racistes, il y a un sentiment de stupéfaction, directement suivi de peur » explique la jeune femme de 28 ans, qui s’inquiète notamment pour les membres de sa famille qui vivent dans des endroits où l’extrême droite fait des scores élevés.

Même son de cloche pour Marion, 37 ans, qui détaille : « Un défilé d’identitaires, ce n’est pas un petit rassemblement sympa. Avec les groupes néonazis qui promeuvent une idéologie violente, on ne sait pas comment les choses peuvent dégénérer. En tant que femme noire et racisée, si je me retrouve face à eux dans une rue, je sais que je peux devenir un fait divers. Je suis parfois inquiète pour mes proches, j’ai peur de la façon dont une simple sortie pourrait mal tourner pour eux. »

« J’ai l’impression que les discours racistes sont omniprésents »

Les groupes identitaires ne sont pas les seuls responsables de ce sentiment d’insécurité que confient les interrogés. Tous mentionnent spontanément ce que Florian appelle un « climat d’extrême droite » en France : une conjoncture où le racisme serait désormais plus toléré dans l’espace public, politique et médiatique.

Inès, 31 ans, a par exemple complètement arrêté d’écouter les informations auxquelles elle consacrait jusqu’ici plusieurs heures par jour. « J’ai l’impression que les discours racistes et déshumanisants sont omniprésents. À la radio, à la télévision… Je n’arrive plus à écouter les infos, à me renseigner. Je trouve ça effrayant et pesant. » Elle témoigne d’une frustration à constater que « personne ne s’en insurge. »

Sur ce point, elle est rejointe par Marion, qui explique : « C’est comme s’il y avait une décontraction du racisme et de la xénophobie. Je suis déçue, en colère, attristée. Et j’ai l’impression que si on en parle, on va se faire accuser de se “victimiser” ».

« À quoi va ressembler le monde après-demain ? »

Quel que soit leur âge, leur origine ou leur lieu de vie, les personnes qui témoignent se disent toutes préoccupées par le futur. Certaines mentionnent la peur de « subir de plus en plus de discrimination, au logement, à l’embauche », la peur que « ces agressions violentes soient de plus en plus fréquentes, et aillent de plus en plus loin », ou celle de l’arrivée au pouvoir d’un « régime d’extrême droite raciste ». Une peur focalisée sur un futur très proche : « Je ne me demande plus dans quel monde vont vivre nos enfants, je me dis : À quoi va ressembler le monde après-demain ? », conclut Marion.

* Les prénoms ont été modifiés

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