Face à Pixar et Disney, comment Dreamworks tente de s'imposer avec des films plus inventifs

Le cinéma d'animation produit par les grands studios américains - Disney, Dreamworks, Illumination, Pixar - est en pleine révolution. Le succès sans précédent des deux films Spider-Verse, avec leur style mi-2D mi-3D, a rebattu les cartes de l'animation grand public, qui ose désormais se montrer plus inventif.

Longtemps considéré comme un sous-Pixar, Dreamworks a su au fil des années s'imposer en se montrant aussi inventif, voire plus, que ses concurrents en démontrant une véritable envie de marquer les esprits. D'abord avec l'émouvante saga Dragons, puis avec des suites délirantes comme Les Trolls 2, Les Croods 2 et Le Chat Potté 2.

Les Trolls 2 en particulier avait surpris par son audace. "Le film est réellement complètement barré [...] graphiquement, c’est complètement fou. C’est presque une installation d’art contemporain!", notait ainsi en 2020 Jean-Jacques Launier, patron du musée Art Ludique et fin connaisseur de l'histoire du studio.

"Des idées complètement folles"

A rebours de Disney et Pixar, qui privilégient le classicisme et l'hyperréalisme, Dreamworks propose "des films fous et inattendus", confirme Walt Dohrn, coréalisateur de Trolls 3: "On a une tradition chez Dreamworks de repousser les limites, de proposer des idées complètement folles."

"Nos films subvertissent toujours des clichés", précise Kirk DeMicco, coréalisateur des Croods et Ruby l'ado Kraken. "Nos héros sont un ogre au cœur d'or, un dragon qui peut devenir notre ami, un panda qui devient un pro du kung fu... Notre travail est de trouver des surprises. C'est ainsi que l'on procure de la joie au public."

Dans Le Chat Potté 2, les scènes confrontant le Chat Potté à sa propre mortalité avaient ainsi été saluées comme un signe du renouveau du studio. Depuis moins d'une dizaine d'années, tout se passe comme si Dreamworks occupait désormais le terrain de Pixar, son rival de jadis, en perte de vitesse depuis quelques années.

Un plagiat d'"Alerte rouge"?

L'échec au box-office du dernier-né de Dreamworks, Ruby l'ado Kraken, alors qu'Elémentaire de Pixar semble tirer son épingle du jeu grâce au bouche-à-oreille, malgré un démarrage difficile, et qu'Illumination cartonne dans le monde avec une adaptation de Super Mario Bros. vient mettre un coup d'arrêt à cet élan créatif.

En salles depuis le 28 juin, Ruby l'ado Kraken raconte les aventures de Ruby Gillman, adolescente de 16 ans assez maladroite qui peine à trouver sa place dans son lycée. Alors que sa mère lui a interdit de se baigner, elle désobéit et découvre qu'elle est en réalité la descendante d'une lignée de reines guerrières Kraken.

Le concept rappelle celui d'Alerte Rouge, sorti l'année dernière. Ce film récompensé aux Oscars raconte comment une adolescente se transforme en panda roux dès qu'elle est submergée par ses émotions. "On n'y a pas pensé", assure Kirk DeMiccco, coréalisateur de Ruby avant d'ajouter:

"Alerte rouge est arrivé pendant que nous faisions Ruby. On n'était pas au courant! C'est un super film. Leur personnage est plus jeune que le nôtre. Ruby a 16 ans. En raison de son âge, elle est capable d’accomplir davantage de choses. On est plus exigeant."

Une création originale

Dès les prémices du projet, en 2016, Dreamworks avait placé tous ses meilleurs éléments sur Ruby l'ado kraken, la première création originale du studio en cinq ans. "C'est devenu rare dans notre industrie", se félicite Faryn Pearl, qui a commencé à travailler sur le projet en tant que scénariste.

"Ruby est une idée originale qui a été pitchée au studio par des scénaristes", développe-t-elle. "Quand on a été appelé sur le projet avec Kirk, on a aussitôt vu ce qui était intéressant dans ce projet: transformer cette histoire d'une famille de krakens en histoire universelle sur l'adolescence."

Le duo a peaufiné le design de chaque personnage, semblable à celui des héros du studio Aardman, les créateurs de Wallace et Gromit et Chicken Run. "On est à une époque où on peut vraiment s'amuser avec le médium", commente Faryn Pearl. "On a choisi un design cartoonesque parce que ça correspondait à notre histoire."

"Avec "Les Trolls", il n'y a aucune limite"

Le résultat n'a pas séduit les critiques et le public a boudé le film. Mais Dreamworks a plus d'un tour dans son sac. Les Trolls 3, prévu pour le 18 octobre prochain, devrait proposer un spectacle délirant dans la lignée des grands films du studio. Son coréalisateur Walt Dohrn a promis un "James Bond sous champignon".

"Ce que je voulais dire, c'est que ça sera comme si on filmait un épisode de James Bond avec l'esthétique psychédélique du dessin animé Yellow Submarine des Beatles, avec plein de couleurs", précise le metteur en scène, déjà aux manettes des deux précédents volets.

"C’est une course poursuite racontée sous la forme d'une comédie musicale - ce qui n'a jamais été fait avant", complète sa productrice Gina Shay. Les Trolls témoigne de la liberté créatrice du studio - et du genre de films qu'ils espèrent produire à l'avenir: "Oui, complètement", acquiesce Walt Dorhn. "Dès qu’on a une idée, on veut y aller à fond."

"Avec Les Trolls, il n'y a aucune limite", poursuit ce dernier, avant de laisser la parole à son coréalisateur Tim Heitz: "La seule critique que nous avons eu du studio, c'est que le film avait parfois l'air d’être trop normal. Ils nous demandent souvent d’être plus fous, d’être plus étranges. C’est très agréable de participer à ce projet."

"Pour compenser tous les trucs bizarres des Trolls, nous avons aussi l'obligation de parler de la condition humaine et de ce que les humains ressentent", sourit Walt Dohrn. "Mais comme toutes les règles, on ne le respecte pas", conclut Gina Shay. Reste à savoir si le public suivra.

Article original publié sur BFMTV.com