Expulsion des migrants au Rwanda : la menace ne fera pas reculer les traversées par la Manche - INTERVIEW

Des migrants traversent la Manche, le 5 avril, à bord d’un bateau pneumatique en direction de Douvres, sur la côte sud de l’Angleterre.
BEN STANSALL / AFP Des migrants traversent la Manche, le 5 avril, à bord d’un bateau pneumatique en direction de Douvres, sur la côte sud de l’Angleterre.

INTERNATIONAL - « Nous expulserons les migrants vers le Rwanda jusqu’à ce que les traversées par bateau s’arrêtent. » Ce sont les premiers mots du Premier ministre Britannique, Rishi Sunak, après l’adoption dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 avril d’un projet de loi qui prévoit de renvoyer les demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni vers ce petit pays d’Afrique de l’Est.

Pourquoi le Rwanda est si satisfait de la loi britannique sur l’immigration que Rishi Sunak a fait voter

Dès la mi-juillet, des « avions charters » décolleront de Londres, direction Kigali, avec plusieurs dizaines de personnes à leur bord. Une fois arrivés au Rwanda, les exilés seront placés dans des centres de rétention le temps que leur demande d’asile soit examinée. Quelle que soit l’issue, ils ne pourront pas revenir au Royaume-Uni, qui compte sur l’effet dissuasif d’une mesure sans équivalent en Europe.

Cet exil forcé inquiète au plus haut point les associations humanitaires, à l’instar d’Amnesty International France qui a dénoncé mardi par la voix de son président « une infamie sans nom » qui « repose sur un mensonge, celui de considérer le Rwanda comme un pays sûr pour les droits humains », au micro de franceinfo. Une crainte partagée au HuffPost par Olivier Ternisien, coprésident de l’association Osmose 62, qui vient en aide aux demandeurs d’asile dans le Pas-de-Calais, depuis août 2022.

Le HuffPost : Comment l’adoption de ce projet de loi britannique sur l’immigration a-t-elle été accueillie dans les campements de migrants du Pas-de-Calais ?

Olivier Ternisien : Depuis plusieurs mois, à chaque nouvelle actualité sur ce projet de loi, on ressentait une inquiétude grandissante dans les camps d’exilés. Ils se demandaient si ça valait encore le coup de se rendre en Angleterre. Puis, quand les migrants ont compris que ce texte était difficile à mettre en place (la Cour suprême du Royaume-Uni a statué à l’unanimité que le programme pour le Rwanda était illégal en novembre 2023, ndlr), la pression est redescendue. Les exilés ont repris leur tentative de traversée sans se poser de questions.

« Être expulsé au Rwanda c’est presque une condamnation à mort. »

De nouveau, ces dernières semaines, l’inquiétude a repris le dessus. On constate des tentatives plus nombreuses, avec des bateaux plus chargés que d’habitude, avec la crainte de la mise en place de mesures trop restrictives. Par exemple, l’accident d’hier (cinq migrants, dont une petite fille, sont décédés au large de Wimereux mardi 23 avril ndlr), ils étaient 110 dans l’embarcation. Il y a encore 1 an, ils n’étaient que 50 - 60 sur les bateaux. Désormais, à chaque fois qu’il y a une fenêtre météo favorable, les bateaux sont pleins à craquer. Cette pression de partir au plus vite va être corrélée à une augmentation du nombre de drames.

Ce texte les incite-t-il à renoncer à traverser la Manche ?

Quoi qu’il arrive, ils vont traverser, leur détermination reste intacte. On croise des gens qui ont quitté leur pays depuis six mois, voire un an. Ils sont passés par plusieurs pays européens, ils se sont fait poursuivre par la police, ils ont été tabassés, on leur a volé leurs vêtements... Alors, après ce périple plus qu’éprouvant, quand ils arrivent à Calais ou à Boulogne, qu’ils regardent en face, et qu’ils voient l’Angleterre à 40 kilomètres, ils ne vont pas reculer. Vous savez, en plein jour, on a l’impression qu’on peut toucher les falaises anglaises du bout des doigts. Il n’y a rien qui les arrêtera.

En tant que bénévole, leur parlez-vous du risque d’être expulsé au Rwanda, alors qu’Amnesty International documente dans ce pays des cas de tortures et de détentions arbitraires ?

Oui, bien sûr, c’est l’une de nos missions d’être transparents sur les risques. Déjà, on leur dit toujours que sur une embarcation surchargée, ils n’arriveront pas forcément vivants en Angleterre. Maintenant, on les prévient que s’ils sont arrêtés par les autorités anglaises, ils seront envoyés au Rwanda, et que ce ne sera pas pour un séjour touristique. Être expulsé au Rwanda c’est presque une condamnation à mort.

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