Evolution : le chromosome masculin en voie de disparition

Sa dégénérescence chez l'humain a commencé il y a plusieurs milliers d'années. La disparition du chromosome Y signifierait-elle la fin des mâles ? Des études montrent que son absence chez d'autres espèces n'a pas supprimé le dimorphisme sexuel et que les deux sexes ont continué de cohabiter.

Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir - La Recherche n°915, daté mai 2023.

Mais qu'arrive-t-il au chromosome Y ? Chez les mammifères mâles, tous en possèdent un. Du moins en théorie. En réalité, quelques rares rongeurs dérogent à la règle. Fin 2022, une étude publiée dans les PNAS a révélé le mécanisme à l'origine de la disparition du chromosome Y chez le rongeur japonais Tokudaia osimensis. Avant lui, le même phénomène a été constaté chez Tokudaia tokunoshimensis et les campagnols Ellobius lutescens, Ellobius talpinus et Ellobius tancrei.

De quoi remettre au goût du jour une théorie proposée il y a une vingtaine d'années par la généticienne australienne Jenny Graves, aujourd'hui professeure émérite à l'Université La Trobe, à Melbourne (Australie) : le chromosome Y va disparaître chez les humains. Car force est de constater qu'il ne semble pas très vigoureux, comparé au X. Beaucoup plus petit, il possède moins de gènes (environ 50 contre 800 chez le chromosome X). Pourtant, au départ, Y était de la même taille que X. Comment en est-il arrivé là ?

Les deux chromosomes sexuels masculins X (à gauche) et Y (à droite), vus au microscope et colorisés.
Les deux chromosomes sexuels masculins X (à gauche) et Y (à droite), vus au microscope et colorisés.

Les deux chromosomes sexuels masculins X (à gauche) et Y (à droite), vus au microscope et colorisés. Crédit : SPL/ SUCRÉ SALÉ

"C'est l'absence de recombinaison entre les chromosomes X et Y qui entraîne la dégénérescence de Y et la perte de gènes ", explique Deborah Charlesworth, spécialiste de génétique des populations à l'Université d'Édimbourg (Écosse). La recombinaison est un phénomène bien connu des généticiens : les chromosomes échangent de l'information génétique. Il s'agit d'un moteur essentiel de l'évolution.

Mais dès les années 1930, une théorie, portée par le biologiste et biostatisticien britannique Ronald Aylmer Fisher, a émergé pour expliquer cet arrêt de recombinaison chez les chromosomes sexuels, celle dite de l'antagonisme sexuel. Elle repose sur le constat que les mâles et les femelles diffèrent dans leur apparence : c'est le dimorphisme sexuel. Certaines versions de gènes dits sexe-antago[...]

Lire la suite sur sciencesetavenir.fr