Eurovision : pourquoi Israël participe-t-il au concours européen de la chanson ?

À l'instar d'autres pays n'appartenant pas géographiquement au continent européen, Israël est un habitué du célèbre concours télévisuel.

Cette année à l'Eurovision, Israël est représenté par la chanteuse Eden Golan (2e en partant de la droite) (Photo : Jens Büttner/picture alliance via Getty Images)

Une nouvelle preuve que les frontières et les délimitations géographiques sont bien souvent le résultat de décisions arbitraires. Alors que la 68e édition du concours Eurovision de la chanson se tient cette semaine à Malmö (Suède), avec une grande finale programmée samedi 11 mai, l'événement est la cible d'appels au boycott.

En cause, la participation d'Israël, décriée par de nombreux observateurs et associations de défense des droits humains. Ces derniers dénoncent les massacres de civils (plus de 34 000 personnes) perpétrés par l'armée israélienne dans les territoires palestiniens depuis plusieurs mois, en représailles des attaques terroristes menées par le Hamas le 7 octobre 2023.

Au-delà de ces questions politiques et humanitaires, la présence d'Israël à l'Eurovision, parfaitement habituelle pour les aficionados du programme, constitue toutefois en elle-même une incongruité. Contrairement à la majorité des autres nations concourant chaque année, l'État hébreu se situe en effet géographiquement en Asie et non sur le continent européen.

Comme son nom l'indique, l'Eurovision était pourtant à sa création, en 1956, un événement concernant exclusivement des pays situés en Europe, et plus précisément sept nations seulement : l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse. Le panel n'a ensuite cessé de s'élargir, suivant l'évolution de l'organisateur du concours, l'Union européenne de radio-télévision (UER).

À sa création en 1950, l'UER se définit comme une association professionnelle internationale regroupant les services de radiodiffusion de différents pays, mais aussi une plateforme destinée à l'établissement d'un réseau commun. C'est précisément ce réseau commun qui sera baptisé Eurovision en 1954 et donnera naissance deux ans plus tard au célèbre concours musical retransmis en simultané dans tous les pays couverts.

Dans les années 1960 et 1970, l'UER a donc entrepris d'étendre son influence, accueillant progressivement de nouveaux membres actifs, ainsi que des membres affiliés. Pour ce faire, l'organisation a pris pour base la Zone européenne de radiodiffusion (ZER) définie en 1961 par l'Union internationale des télécommunications et qui dépasse largement les limites géographiques de l'Europe.

La ZER telle qu'elle fut définie par l'Union internationale des télécommunications en 1961 (Photo : DR/ITU)
La ZER telle qu'elle fut définie par l'Union internationale des télécommunications en 1961 (Photo : DR/ITU)

Plusieurs nations du bassin méditerranéen ont donc été rapidement associées à l'UER, qui n'a pas hésité, à partir des années 1970 à inviter certains de ces pays à participer à l'Eurovision. Ainsi, en 1973, Israël devient le premier pays non-européen à prendre part au concours.

L'Etat hébreu sera ensuite imité par la Turquie (1975) et par le Maroc (1980). Plus récemment, d'autres nations situées hors de l'Europe, comme l'Arménie (2006) et l'Azerbaïdjan (2008), ou même hors de la ZER, comme l'Australie (2015), ont également rejoint le contingent des participants à l'Eurovision. Cette extension progressive de son aire d'influence a ainsi permis à l'UER de devenir la plus importante association de radiodiffuseurs nationaux dans le monde à l'heure actuelle.

Pour sa part, Israël s'est imposé assez rapidement comme un acteur incontournable de l'Eurovision, avec une première victoire en 1978, puis une deuxième dès l'année suivante à domicile (la tradition veut que le vainqueur sortant de l'Eurovision accueille l'édition suivante). Devenu un habitué de l'événement, Israël a ensuite remporté deux autres succès (en 1998 et 2018) et participé au total 46 fois au concours depuis 1973.

Ce chiffre, qui situe l'Etat hébreu à la 16e place des pays comptant le plus d'apparition à l'Eurovision, entre l'Italie et la Grèce, explique largement pourquoi l'Israeli Public Broadcasting Corporation, réseau national de télécommunications, a intégré l'UER à titre permanent en 2017. Il y côtoie à ce jour 67 membres, dont une quinzaine proviennent de pays situées hors d'Europe (Maghreb et Proche-Orient).