Eurovision: La France a-t-elle eu « ordre de perdre ? Yves Bigot s’explique

L’ancien patron de France 2, Yves Bigot, était l’invité de l’émission C Médiatique sur France 5, dimanche 7 mai 2023.
L’ancien patron de France 2, Yves Bigot, était l’invité de l’émission C Médiatique sur France 5, dimanche 7 mai 2023.

EUROVISION - Et si ce n’était pas par manque de talent que la France n’avait plus gagné l’Eurovision depuis 40 ans ? Invité de l’émission C Médiatique sur France 5, dimanche 7 mai, l’ancien directeur des programmes de France 2, Yves Bigot, a assuré qu’il avait pour ordre de ne pas remporter la compétition musicale lorsqu’il était à la tête de la chaîne publique française.

La raison avancée par l’actuel directeur exécutif de TV5 Monde est, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous, avant tout financière. « J’avais ordre de perdre. Le problème, c’est que si vous gagnez, c’est vous qui organisez l’année d’après, ça fait 20 à 25 millions d’euros, a expliqué Yves Bigot sur le plateau de nos confrères. Donc les chaînes n’ont pas cet argent. Sauf dans les petits pays, où alors là c’est l’office du tourisme ou le ministère du Tourisme, qui finance. »

Interrogé par Le Parisien, Yves Bigot, qui a également été patron de la chaîne de télévision publique belge RTBF, apporte quelques précisions, en expliquant qu’il avait notamment fait allusion à l’année 1999 : « Je suis à France 2 à l’époque. L’Eurovision fait partie des événements dont je dois m’occuper. Tout de suite, j’ai l’idée de m’adresser à mon ami Jean-Patrick Capdevielle qui produisait une fille qui s’appelait Emma Shapplin (...) Elle avait un côté chanteuse lyrique avec un look incroyable, mi-sadomaso, mi-médiéval, parfait pour l’Eurovision. Je me disais : j’ai une chance sur deux de gagner ».

Sauf que visiblement le président de France Télé de l’époque, Xavier Gouyou-Beauchamps, n’était pas vraiment emballé: « (Il) me dit : « Alors, comment ça se présente l’Eurovision ». Je lui réponds : On va gagner, président. Et là, il ajoute : Surtout pas, ne faites pas ça ! », raconte encore Yves Bigot en appelant à remettre cet échange « dans le contexte de l’époque » : « C’était peu de temps après la polémique autour des animateurs producteurs (...) Il y avait plein de questions autour du financement de l’audiovisuel public et de la façon dont on utilisait cet argent ».

Le règlement de l’Eurovision prévoit en effet que le pays gagnant organise − et finance − l’édition suivante. Cette année, c’est toutefois le Royaume-Uni qui organise le concours et non l’Ukraine, qui ne peut logiquement pas se permettre d’organiser un tel évènement à cause de l’invasion de son territoire par la Russie.

« Les règles ont beaucoup changé »

À titre d’exemple, Le Figaro indiquait dans une enquête sur le financement de l’Eurovision que la chaîne israélienne KAN avait dû « contracter un prêt sur quinze ans pour assurer l’évènement » en 2019. Certains pays, à l’instar du Portugal, de la Slovaquie et de la Turquie, avaient même renoncé à participer au concours en 2013, faute de budget.

Yves Bigot assure qu’il a été confronté au même cas de figure en Belgique. Après la victoire du plat pays en 1986 à l’Eurovision avec Sandra Kim, la RTBF aurait été, selon lui, « obligée de licencier 2 000 personnes à cause de ce que ça avait coûté ».

L’ancien directeur de France 2 assure toutefois qu’aujourd’hui le ton en France n’est pas le même. « Les règles ont beaucoup changé. France Télévisions veut gagner. En plus, Delphine Ernotte, la patronne du groupe est actuellement présidente de l’UER (pour deux ans), l’Union européenne de radio-télévision qui organise l’Eurovision. Elle veut d’autant plus participer à la compétition », confie-t-il encore au Parisien.

La Zarra bien classée par les bookmakers

Au-delà des considérations financières, Yves Bigot considère que si la France ne remporte pas l’Eurovision, c’est également parce que le concours ne correspond pas réellement à ce qu’écoutent les Français. « La France n’est pas dans l’univers pop qui est l’univers de l’Eurovision », a-t-il ainsi jugé sur le plateau de C Médiatique.

À Liverpool cette année, avec la Zarra, les choses pourraient toutefois changer pour la France à l’Eurovision. Yves Bigot considère que la canadienne, armée de son look « différent » et de son style de musique unique, a toutes ses chances de l’emporter avec sa chanson Évidemment. Un point de vue partagé par les bookmakers, qui l’ont d’ores et déjà placé troisième à l’issue des dernières répétitions. Réponse le samedi 13 mai prochain, jour fatidique pour les 37 pays en lice cette année.

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