Eurovision 2024 : la victoire de Nemo est aussi une avancée pour la visibilité de la non-binarité

Nemo, 24 ans, a remporté l’Eurovision. En début de soirée, il avait arboré un drapeau non binaire lors de son entrée sur scène.
TOBIAS SCHWARZ / AFP Nemo, 24 ans, a remporté l’Eurovision. En début de soirée, il avait arboré un drapeau non binaire lors de son entrée sur scène.

MUSIQUE - Il est 21h passées de quelques minutes, ce samedi 11 mai. Sur la scène de la Malmö Arena, Nemo, 21e dans l’ordre de passage pour la finale de l’Eurovision, s’avance sous les applaudissements nourris du public avec, entre les mains, un drapeau qui n’a rien à voir avec celui de la Suisse. Et pour cause : le concurrent de Slimane, âgé de 24 ans, porte fièrement l’étendard jaune-blanc-violet-noir adopté par les personnes non binaires.

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Un drapeau brandi ensuite à de très nombreuses reprises au cours de la soirée par l’interprète, notamment lorsque les jurys nationaux accorderont leurs fameux 12 points à sa prestation pour The Code, l’emmenant vers la victoire finale. Une telle présence du drapeau non binaire devant les millions de téléspectateurs et téléspectatrices de l’Eurovision, « c’est clairement inédit », constate auprès du HuffPost Fabien Randanne, journaliste à 20 Minutes couvrant le concours depuis une décennie.

L’Eurovision interdit normalement tout drapeau autre que ceux des pays participants, à l’exception du drapeau arc-en-ciel qui est toléré. « J’ai été obligé de passer en douce mon drapeau », a témoigné Nemo peu après sa victoire, qui a estimé que le concours « a besoin de changer un peu » dans son mode de fonctionnement.

Une victoire « très forte symboliquement »

Message visiblement reçu par l’Eurovision : quelques minutes après le sacre de l’Helvète, les comptes officiels du concours sur les réseaux sociaux saluaient sa victoire en publiant une photo de l’interprète tenant, encore une fois, le drapeau jaune-blanc-violet-noir. En légende, le concours célèbre les « atours non-binaires » de l’artiste.

« La victoire de Nemo est très forte symboliquement pour [la] visibilité » des personnes non binaires, salue Laura Thouny, coprésidente de l’Association des journalistes LGBTQIA+ (lesbiennes, gays, bi⸱es, trans, queer, intersexes, asexuel⸱les et aromantiques), qui travaille notamment sur la présence des minorités dans les médias. Son arrivée sur scène et « les paroles de sa chanson, “The Code”, qui raconte son parcours » mettent en lumière une question « dont on parle très peu à la télévision, ou alors de manière très maladroite et stéréotypée », poursuit Laura Thouny auprès du HuffPost.

De fait, l’identité non binaire est souvent mal comprise voire caricaturée, dans les médias ou ailleurs. Si elle recouvre « un ensemble d’identités qui ne se reconnaissent pas exclusivement dans un genre, féminin ou masculin », selon la définition de l’AJL, la non-binarité est aussi revendiquée de manière politique par certaines personnes qui refusent les biais et les stéréotypes liés au genre.

En d’autres termes, ces personnes contestent le fait que nombre de comportements sociaux soient conditionnés par le fait d’être une femme ou un homme. Une revendication qui n’est pas marginale : dans un sondage YouGov pour Le Nouvel Obs réalisé en 2019, 14 % des 18-44 ans se disaient non-binaires.

« Effet Conchita Wurst »

Pour Fabien Randanne également, la visibilité de Nemo bénéficiera à celle des personnes non binaires : « Il peut y avoir un “effet Conchita Wurst”, qui a remporté le concours en 2014 et qui, je pense, a contribué à faire changer les mentalités sur les drag-queens. » Difficile de lui donner tort alors que, dix ans plus tard et malgré les discours de haine, plusieurs artistes drag se relaieront pour porter la flamme olympique.

« Cela avait aussi été le cas avec Dana International », la première candidate transgenre à remporter l’Eurovision en 1998, « à une époque où les personnes trans n’étaient pas du tout traitées de manière positive dans les médias », poursuit le journaliste de 20 Minutes.

Si le traitement de la transidentité dans les médias reste contrasté 25 ans plus tard, comme l’ont démontré les travaux de l’AJL et comme le soulignent de manière crue les polémiques liées à la parution du pamphlet Transmania le mois dernier, Laura Thouny espère que la victoire de Nemo provoquera un sursaut. « À nos confrères de veiller à traiter ce sujet avec respect : la non-binarité n’est pas une mode, c’est une identité qui regroupe tout un prisme de vécus différents ! », poursuit la journaliste.

Après sa victoire, Nemo a formulé un vœu : que The Code puisse « inspirer d’autres personnes à rester fidèles à leur histoire personnelle ». Nul doute que son triomphe à Malmö y contribuera.

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