Européennes : l’extrême droite pourra-t-elle bloquer le parlement après le 9 juin, comme le dit Attal ?

L’extrême droite pourra-t-elle bloquer le parlement européen après les élections, comme le dit Attal ? (photo de Matteo Salvini et Marine Le Pen prise le 17 septembre 2023 à Pontida, dans le nord de l’Italie)
GABRIEL BOUYS / AFP L’extrême droite pourra-t-elle bloquer le parlement européen après les élections, comme le dit Attal ? (photo de Matteo Salvini et Marine Le Pen prise le 17 septembre 2023 à Pontida, dans le nord de l’Italie)

POLITIQUE - Un dernier argument dans la bataille ? Alors que le 9 juin se rapproche, les responsables du camp macroniste continuent de cibler le Rassemblement national de Jordan Bardella, et le danger que représente sa famille politique pour l’Union européenne.

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Après avoir passé plus semaines à dramatiser les élections « les plus importantes de l’histoire du Parlement européen », selon la formule, le Premier ministre Gabriel Attal et la candidate Valérie Hayer répètent à l’envi que l’extrême droite, en vogue sur tout le continent, pas seulement en France, pourrait sortir renforcée du scrutin au point de bloquer les institutions.

« Les amis de Jordan Bardella en Europe, ils veulent détruire le projet européen », répétait la cheffe de file des macronistes ce mercredi sur RTL, dans le sillage de Gabriel Attal lundi sur franceinfo, pour qui « le risque d’une extrême droite en capacité de bloquer les institutions européennes n’a jamais été aussi élevé ». Qu’en est-il vraiment ? Quel sera le poids de ces formations après le 9 juin ?

Quand l’extrême droite se divise

C’est un fait, les forces nationalistes, eurosceptiques et d’extrême droite sont données en progression dans les sondages dans beaucoup de pays. Elles sont pour l’instant en tête en France, en Autriche en Belgique ou en Italie. Elles sont deuxièmes ou troisième en Espagne ou au Portugal. Selon différentes estimations, elles pourraient donc glaner 25 % des sièges (contre 20 % actuellement) au Parlement européen. Suffisant pour bouleverser les équilibres, sans doute. Mais pas pour former une coalition majoritaire.

Car les nationalistes sont eux-mêmes divisés en deux groupes dans le parlement sortant. D’un côté les Conservateurs et réformistes européens (ECR) avec 69 eurodéputés, issus de Fratelli d’Italia de la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, du parti espagnol Vox, du PiS polonais ou encore de Reconquête d’Éric Zemmour. L’autre groupe d’extrême droite, Identité et Démocratie (ID) rassemble une cinquantaine d’élus, notamment les Italiens de la Lega (Matteo Salvini) et les Français du Rassemblement national.

Rassemblées, ces forces pourraient talonner voire dépasser le premier groupe du Parlement, le Parti populaire européen - qui accueille notamment les élus Les Républicains menés par François-Xavier Bellamy en France. Une perspective de nature à raviver l’idée - jamais aboutie jusqu’ici - d’une union : Marine Le Pen souhaite créer un « grand groupe souverainiste », également appelé de ses vœux par le dirigean nationaliste hongrois Viktor Orban.

Le coup de poker de von der Leyen

Mais l’autre grande figure de l’extrême droite européenne, Giorgia Meloni, a récemment estimé qu’il n’y avait « pas d’unification en vue », en raison notamment de divergences importantes, comme sur le soutien à l’Ukraine face à la Russie.

Dans ce contexte, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a tenté un coup, en se disant ouverte à une entente avec le groupe de Giorgia Meloni après le 9 juin. En clair, l’Allemande, candidate du PPE pour un deuxième mandat se verrait bien rester en poste avec le soutien d’une partie des forces d’extrême droite.

Problème : les partis sur qui elle s’appuie actuellement (les socialistes, les verts et les libéraux de Renew) ont déjà prévenu qu’il n’en était pas question. Or, une coalition PPE-ECR ne suffira pas à former une majorité au Parlement. Et Ursula von der Leyen, qui avait été élue de justesse (9 voix) en 2019, aura besoin du soutien d’autres partis pour être reconduite à la tête de la Commission. À ce stade, la « grande coalition » du centre paraît donc devoir perdurer.

Des alliances de circonstances pour bloquer

En revanche, le risque de blocage ponctuel évoqué par Gabriel Attal et les macronistes existe bel et bien. Les majorités de « construction » risquent d’être, de fait, plus difficiles à obtenir et des alliances ponctuelles droite-extrême droite sur certains dossiers pourraient se multiplier. Jugeant « très difficile » une fusion des groupes souverainistes, la tête de liste de Vox, Jorge Buxadé promeut en ce sens une « alliance politique » sur des points clés avec les autres eurodéputés nationalistes.

En somme, le poids accru de ces forces pourrait influencer l’agenda européen dans le sens d’une approche de plus en plus restrictive en matière d’immigration et d’asile, d’une édulcoration des politiques climatiques et environnementales, d’un conservatisme sur les questions sociétales.

Car ces mouvements eurosceptiques, s’ils ont dans l’ensemble abandonné leurs revendications d’une sortie de l’UE, seront effectivement enclins à vouloir limiter le champ d’intervention de Bruxelles. De nouveaux équilibres qui ne seront pas sans conséquence, non plus, sur la dénonciation des atteintes à la démocratie et à l’État de droit sur le continent.

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