Européennes : Attal s’incruste dans une interview de Hayer, et alimente un triple procès

Européennes : Attal s’incruste dans une interview de Hayer, et alimente un triple procès (photo d’illustration prise le 22 mai à Paris)
GUILLAUME SOUVANT / AFP Européennes : Attal s’incruste dans une interview de Hayer, et alimente un triple procès (photo d’illustration prise le 22 mai à Paris)

POLITIQUE - Trois minutes et autant de motifs de critiques. Le Premier ministre a décidé de prendre part à une interview de Valérie Hayer ce lundi 3 juin, en s’incrustant dans l’amphithéâtre de Radio France, là où la candidate du camp présidentiel aux européennes répondait aux questions des journalistes et invités.

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Gabriel Attal, qui participait à la matinale de franceinfo quelques minutes plus tôt, a effectivement fait irruption aux côtés de sa tête de liste, comme vous pouvez le voir ci-dessous, suscitant quelques réactions un brin gênées. « J’étais en interview juste au-dessus, on m’a dit que Valérie était là, je suis venu la voir », s’est-il justifié.

Résultat : un happening de trois minutes en forme de monologue sur l’Europe, le climat ou la jeunesse. Et de quoi accréditer plusieurs procès qui sont faits à la macronie pour ces élections européennes, entre sexisme et débat biaisé. Les adversaires du camp présidentiel n’en demandaient pas tant.

« Le Premier ministre s’invite quand il veut ? »

Tout d’abord, cette intervention vient donner du grain à moudre à ceux qui fustigent une certaine confiscation du débat entre la famille politique d’Emmanuel Macron et le Rassemblement national. Le tout, alors que l’exécutif est au cœur des critiques après l’annonce d’une intervention télévisée du chef de l’État dans les JT de 20 heures jeudi. Soit trois jours avant le scrutin.

Dans ce contexte, François-Xavier Bellamy, qui s’était déjà insurgé de la joute organisée entre Jordan Bardella et Gabriel Attal sur France 2, en a remis une couche ce lundi, dans l’amphithéâtre de Radio France. Il dénonce l’omniprésence du couple exécutif, et sa facilité à accéder aux médias pour faire campagne.

« J’aimerais bien savoir comment ça se passe concrètement ? Vous avez le Premier ministre qui est dans le couloir et qui dit ’j’ai envie de passer à la radio sur le service public, allez hop j’arrive’ ? », a d’abord interrogé le chef de file des Républicains, avant d’ajouter, courroucé par le « spectacle » offert juste avant : « du coup il peut s’inviter dans toutes les émissions en temps réel quand il veut ? Comme le président de la République jeudi, qui a envie de parler 24 heures avant la fin de la campagne officielle et de prendre tous les JT et les chaînes d’information pour le faire ? »

Dans le même esprit, la gauche dénonce sur les réseaux sociaux le retour de « l’ORTF », quand le service public audiovisuel n’était pas indépendant. Le député écologiste Benjamin Lucas se plaint par exemple de voir le chef du gouvernement s’introduire sans problème « dans une émission à laquelle il n’était pas invité. »

« Ils s’essuient les pieds sur Valérie Hayer »

Difficile également de ne pas voir derrière ce happening, un nouvel artifice qui invisibilise, de fait, la tête de liste officielle. « Il ne reste plus beaucoup de temps à Valérie Hayer du coup », « vous nous laissez l’interroger quand même », a d’ailleurs fait remarquer à plusieurs reprises la journaliste Émilie Tran Nguyen pour essayer de reprendre le fil de l’interview.

Il faut dire que la candidate du camp présidentiel, inconnue du grand public il y a encore quatre mois, a été chaperonnée sinon éclipsée tout au long de sa campagne. Outre les documents officiels qui accordent une large place à Emmanuel Macron, le dévoilement de son programme par le chef de l’État à la Sorbonne, Valérie Hayer a passé son temps à commenter le débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella ou la potentielle joute entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

Dans ce contexte, les oppositions dénoncent en chœur la « définition » même du « mansplaining » ce lundi, à la maison de la radio. Derrière cet anglicisme, une manière de décrire l’habitude prise par les hommes d’expliquer aux femmes quelque chose qu’elles savent déjà, voire dont elles sont expertes.

« Il y a un côté un peu macho, que le Premier ministre débarque en disant ’écoute moi bien Valérie, je vais être plus efficace que toi’ », a même fustigé François-Xavier Bellamy, sur le plateau de ce grand oral, avant que Marie Toussaint, la candidate des écologistes enfonce le clou en estimant que « le Premier ministre et le président de la République s’essuient les pieds sur » leur candidate. « Les femmes ne sont pas des paillassons ! »

Nationaliser toujours plus l’élection

Enfin, ce genre d’intervention n’est pas sans conséquence politique. En s’incrustant dans l’interview de Valérie Hayer sur Radio France, ce lundi, Gabriel Attal prend également le risque de nationaliser toujours davantage le scrutin européen. Comme il l’a fait en débattant avec Jordan Bardella. Ou comme le fera Emmanuel Macron dans les journaux télévisés, jeudi.

Problème : cette stratégie - qui répond parfaitement à ce que souhaite le Rassemblement national - peine à porter ses fruits. La joute entre le Premier ministre et la tête de liste du parti d’extrême droite n’a eu aucun effet dans les sondages. Comme le discours du président de la République à la Sorbonne fin avril.

Pire, cette omniprésence pourrait s’avérer contre-productive tant l’exécutif semble surestimer sa capacité à ébrécher le vote Rassemblement national, en sous-estimant son impopularité, fruit de sept années éruptives au pouvoir. Difficile, dans ce contexte, de comprendre l’intervention du Premier ministre ce lundi. Le « je » n’en vaut pas la chandelle.

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