Européennes 2024 : comment le RN s’aligne sur les intérêts des lobbies industriels au Parlement européen

Jordan Bardella photographié au Parlement européen, à Bruxelles, le 11 avril (illustration)
KENZO TRIBOUILLARD / AFP Jordan Bardella photographié au Parlement européen, à Bruxelles, le 11 avril (illustration)

POLITIQUE - Dans l’hexagone, le Rassemblement national aime se revendiquer antisystème, et se présenter comme le défenseur des petits contre les grands. Dans les couloirs du parlement européen en revanche, c’est une autre musique. Ses élus embrassent souvent les intérêts des multinationales ou des lobbies des géants de l’industrie.

Jordan Bardella est la tête de liste sortante aux européennes la moins assidue du dernier mandat

C’est ce qui ressort d’une étude menée par le cabinet Ecolobby, qui a épluché les votes des eurodéputés RN depuis 2019. Rendue publique mardi 7 mai, celle-ci présente 10 histoires montrant comment les troupes de Jordan Bardella ont apporté leurs voix ou leur soutien à des mesures favorables à des géants de l’industrie. Ce que n’a pas manqué de souligner sur le réseau social X la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier.

Super-profits, emballage…

Une activité pro-business qui tranche avec le discours socialisant affiché en France par Marine Le Pen et ses députés. Exemple avec la taxe sur les superprofits : en février 2023, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale décrivait l’instauration de cet impôt exceptionnel comme « une urgence économique, mais surtout une urgence de justice sociale à l’égard des Français ». Au regard de cette position, on pourrait donc penser que les eurodéputés RN ont œuvré en ce sens au Parlement européen. Eh bien non.

Quelques mois auparavant, en octobre 2022, une résolution du Parlement européen visait à instaurer une « taxe sur les bénéfices exceptionnels à l’encontre des compagnies d’énergie », et ce pour aider « les ménages vulnérables et les petites et moyennes entreprises (PME), y compris grâce à des plafonds tarifaires ». Malgré les discours tenus en France, les élus RN se sont abstenus, comme on peut le voir sur le compte rendu du vote, et ce alors que leurs partenaires au sein du groupe Identité et démocratie (ID) ont eux voté pour cette résolution.

« Plus intéressant encore : ils se sont opposés à la proposition (amendement 45) visant à élargir la taxe sur les superprofits à l’ensemble des secteurs d’activité », note encore Ecolobby. Pourtant, le 2 mai dernier, Jordan Bardella répétait sa volonté de voir instaurée une taxe sur les superprofits. Comprendra qui pourra.

Autre exemple : l’interdiction des emballages jetables à usage unique. Alors que cette mesure a fait son apparition en France (notamment dans les McDonald’s), le Parlement européen planchait sur une proposition similaire. Or, cette mesure a été combattue avec vigueur par les lobbies du secteur, au point que l’échec de cette interdiction a été perçu comme une victoire de leur part. Là encore, le RN a voté contre la mesure, en prenant le parti des industriels. Ce qui se retrouve par ailleurs dans l’avis rendu par l’eurodéputée RN Virginie Joron, qui a repris une bonne part des éléments de langage du secteur.

Comme le souligne Le Monde, la position du parti d’extrême droite à ce sujet interroge d’autant plus que la mesure vise à harmoniser à l’échelle de l’UE une réglementation qui est déjà en vigueur en France.

« Contradiction »

Sur un autre sujet, les eurodéputés RN ont également voté contre une mesure (l’article 15 de la proposition sur la « lutte contre le changement climatique ») visant à obliger les entreprises comptant plus de 500 employés et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 150 millions d’euros à rendre leurs objectifs de résultats compatibles avec la transition écologique.

« Les députés Gilles Lebreton et Virginie Joron du groupe Rassemblement national ont porté un amendement, le 3 947, pour demander… la suppression de l’article 15 de la proposition et ainsi l’obligation pour les entreprises de respecter un devoir de vigilance en lien avec les enjeux climatiques », souligne Ecolobby, précisant que cet article avait fait l’objet d’une intense campagne de la part du « Medef européen » (à laquelle le RN a été sensible).

Cité par Le Monde, le socialiste luxembourgeois Marc Angel, vice-président du Parlement européen, s’étonne du parti pris de la formation lepéniste. « L’extrême droite m’étonne par sa contradiction entre son discours de défense des petits et ses votes. Lorsqu’on propose de renforcer les droits des salariés, des consommateurs, de la planète, ils se rangent toujours du côté du “big business”, avec les lobbyistes », observe-t-il.

Auprès de StreetPress, Jordan Allouche, fondateur d’Ecolobby et pilote de cette étude, fait une analyse similaire : « Nous avons pu voir l’alignement du RN sur certains lobbies industriels. Même s’ils ne se rencontrent pas forcément, cela montre un alignement entre leurs intérêts et les collusions entre ces deux entités. Ça rappelle surtout que dans l’extrême droite, il y a droite. Et c’est une droite libérale qui ne défend pas les plus démunis mais au contraire les intérêts économiques des grandes corporations ».

Un positionnement qui concerne également l’agriculture ou le privilège accordé aux voitures de luxe en marge de l’interdiction des moteurs thermiques, pour le moment peu abordé dans cette campagne pour les élections européennes.

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