Européennes 2024 : la normalisation du Rassemblement national mise à mal par ses recrues

Jordan Bardella photographié lors d’une conférence de presse à Paris le 29 février (illustration)
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP Jordan Bardella photographié lors d’une conférence de presse à Paris le 29 février (illustration)

POLITIQUE - Il n’a pas fallu attendre bien longtemps avant que le profil du dernier candidat du Rassemblement national aux élections européennes ressuscite les vieux démons du parti lepéniste. Saidali Boina Hamissi, membre mahorais du RN, a été annoncé samedi 20 avril depuis Mayotte par Marine Le Pen en personne comme figurant sur la liste menée par Jordan Bardella. Problème : Libération a depuis exhumé les propos peu reluisants de l’intéressé.

« Soumission de la femme », migrants comoriens qualifiés de « vermines » ou de « cafards », sorties antivaccin ou pro-Poutine… Un lexique (très) éloigné de la normalisation revendiquée par le parti d’extrême droite qui a fait réagir jusqu’au sein de l’exécutif. Porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot a fustigé ce mardi 23 avril les « propos extrêmement graves » du candidat RN. Un profil marginal ? Pas tout à fait.

Depuis le début de la campagne, le parti lepéniste égraine au compte-goutte le nom de ceux qui seront sur la liste. Avec, comme stratégie, l’ambition de faire des coups médiatiques censés incarner l’irrésistible dynamique de Jordan Bardella, fort d’une avance insolente dans les sondages. L’ex-directeur de Frontex Fabrice Leggeri, l’ancien avocat de la Manif Pour tous Alexandre Varaut, l’ex-commissaire de police Matthieu Valet ou encore l’essayiste Malika Sorel illustrent cette stratégie consistant à feuilletonner ces recrutements. Non sans risque. Car en plus de frustrer les eurodéputés sortants espérant leur reconduction, le RN s’expose à des retours de flamme.

Malika Sorel et les « cosmopolites »

Outre l’exemple de Saidali Boina Hamissi, ces recrues moins rompues aux codes et aux exigences de la politique nationale frôlent parfois la sortie de route. Dimanche 21 avril, c’est Malika Sorel qui a employé un vocabulaire fleurant bon le Front national des années Jean-Marie Le Pen. Sur le plateau de CNews, l’essayiste s’est dite « en guerre » et a ciblé comme coupables les « cosmopolites », au sein desquels elle range le socialiste Raphaël Glucksmann ou encore Jean-Luc Mélenchon. À l’appui, une citation (mal reproduite) de Paul Doumer qui, en 1906, désignait les « cosmopolites » comme ennemis de la nation.

Une référence très en vogue au sein de l’extrême droite groupusculaire. En 2017, l’éphémère candidat, raciste et antisémite, Henry de Lesquen, utilisait le même auteur et la même citation pour faire la guerre aux « cosmopolites ». Soit la déclinaison d’un poncif identitaire, selon lequel une société multiculturelle mute nécessairement en société multiconflictuelle. Un vocabulaire utilisé jadis par Marine Le Pen, abandonné depuis sur l’autel de la normalisation.

Or Malika Sorel n’est pas la première recrue à faire craquer le vernis de la respectabilité que le RN cherche à acquérir.

« Poutine a été élu par les Russes »

Le 9 avril sur BFMTV, c’est Matthieu Valet qui dérogeait déjà à la ligne, dans un contexte où le parti lepéniste multiplie les efforts pour faire oublier sa russophilie. Face au journaliste qui lui demande si Vladimir Poutine est un dictateur, l’ancien policier bafouille : « Un dictateur, c’est quelqu’un qui prend le pouvoir par les armes. Poutine a été élu par les Russes », ose-t-il, avant d’affirmer que l’élection du président russe « n’a pas été contestée » (alors que le scrutin était même contesté pendant le vote). Le russophile Thierry Mariani n’aurait pas dit mieux.

Ce mardi 23 avril, Le Parisien révèle par ailleurs que l’ancien policier a « pulvérisé une voiture de service alors qu’il était de repos » et revient sur l’affaire des bons SNCF appartenant à cinq anciens collègues que l’intéressé a touchés indûment (pour près de 1 000 euros). Une « négligence » pour laquelle l’IGPN lui avait infligé un blâme. Pas idéal pour un parti qui entend incarner le sérieux et l’autorité.

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