Européennes 2024 : ce que Jordan Bardella et le RN ont fait au Parlement européen depuis 5 ans

Jordan Bardella photographié en juillet 2019 au Parlement européen à Bruxelles (illustration)
FREDERICK FLORIN / AFP Jordan Bardella photographié en juillet 2019 au Parlement européen à Bruxelles (illustration)

POLITIQUE - L’heure des comptes. Alors que la date fatidique du 9 juin approche, et que la liste menée par Jordan Bardella continue de dominer outrageusement les sondages, le Rassemblement national fait l’objet d’attaques sur son action au sein du Parlement européen depuis 2019.

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Il y a cinq ans, lors de sa campagne victorieuse, le leader d’extrême droite promettait d’abroger la directive sur les travailleurs détachés, de supprimer la Commission européenne ou d’instaurer la préférence nationale pour la commande publique. Disons-le d’emblée, aucune de ces promesses n’a été tenue.

Pour une raison simple : ces propositions ne correspondent pas aux attributions des eurodéputés. Pas plus, d’ailleurs, que celles mentionnées dans son programme de 2024. Autre élément expliquant l’inexistence de réalisation concrète, le cordon sanitaire (relatif) qui isolait le groupe Identité démocratie, où le RN a siégé pendant cinq ans avec d’autres formations d’extrême droite et europhobes, comme les Italiens de la Lega ou les Allemands de l’AFD. Enfin, le RN théorise lui-même l’inaction au cœur du système européen.

Un bilan famélique au Parlement

Eurodéputé et conseiller spécial de Marine Le Pen, Philippe Olivier expliquait récemment à StreetPress : « la politique, c’est le terrain, le contact. Ce n’est pas en pinaillant sur des points-virgules qu’on va changer l’Europe ». Ce haut cadre s’exprimait alors au sujet de Gilles Lebreton, qui n’a pas été reconduit sur la liste de Jordan Bardella. Il faut dire qu’il avait la fâcheuse manie de travailler trop aux yeux du RN, un parti qui assume de ne pas jouer le jeu des institutions. « La maîtrise des rouages euro-parlementaires, c’est bien, mais la politique, c’est autre chose, c’est savoir créer des étincelles dans l’électorat. Nous avons un ancrage populaire qui nous interdit de rester dans notre seul couloir bruxellois », admettait dans ce même article Mathilde Androuët, eurodéputée proche de Jordan Bardella.

Résultat, la tête de liste RN affiche logiquement un bien pauvre bilan, masqué essentiellement par des interventions en hémicycle lui permettant de découper la séquence pour la diffuser sur les réseaux sociaux et des votes en plénières.

Ces trois articles détaillent l’activité de Jordan Bardella :

· Comment le RN minimise la réalité du bilan famélique de Bardella au Parlement européen

· Jordan Bardella « eurodéputé le plus influent » ? La communication (très) trompeuse du RN

· Jordan Bardella est la tête de liste sortante aux européennes la moins assidue du dernier mandat

La Russie ménagée

Autre caractéristique de cette activité, des votes systématiquement en faveur du régime russe. De toutes les formations françaises représentées au Parlement européen, le RN est le moins enclin à soutenir l’Ukraine ou à condamner la Russie, même quand il s’agit de mesures symboliques ou de déclarations d’intentions. Jordan Bardella a voté « pour », une seule fois : la résolution du 29 février 2024 après la mort d’Alexeï Navalny, pour acter « la nécessité d’une action de l’Union pour soutenir les prisonniers politiques et la société civile opprimée en Russie. » Le même jour, il s’abstenait sur la « nécessité d’un soutien sans faille de l’Union à l’Ukraine ». En réalité, Jordan Bardella choisit le plus souvent de ne pas choisir.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter cet article consacré aux votes sur la Russie.

Les lobbys industriels choyés

Dans l’Hexagone, le Rassemblement national aime se revendiquer antisystème, et se présenter comme le défenseur des petits contre les grands. Dans les couloirs du parlement européen en revanche, c’est une autre musique. Ses élus embrassent souvent les intérêts des multinationales ou des lobbies des géants de l’industrie. C’est ce qui ressort d’une étude menée par le cabinet Ecolobby, qui a épluché les votes des eurodéputés RN depuis 2019. Rendue publique mardi 7 mai, celle-ci présente dix histoires montrant comment les troupes de Jordan Bardella ont apporté leurs voix ou leur soutien à des mesures favorables à des géants de l’industrie. Que ce soit sur les superprofits, les emballages plastique à usage unique ou encore les normes environnementales…

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter cet article consacré à ses votes sur le sujet

Contre les avancées féministes

C’est ce qui a conduit le collectif Femen à perturber le meeting de Jordan Bardella dimanche 2 juin. Depuis 2019, les troupes lepénistes au Parlement européen se sont souvent opposées à des avancées féministes. Comme cette résolution visant lutter contre les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes examinée en 2020 : Jordan Bardella s’est abstenu, comme nombre d’eurodéputés RN. Les élus RN ont aussi choisi l’abstention lorsqu’il a été question de se pencher sur le harcèlement sexuel dans l’Union européenne et sur l’évaluation de MeToo. Et quand il s’agissait de lutter contre le harcèlement sexuel au sein du Parlement européen, le RN a voté encore contre. En 2020, « la quasi-totalité des eurodéputés RN votent contre une résolution visant à condamner fermement l’interdiction alors quasi totale du droit à disposer de son corps en Pologne », déplorait auprès du HuffPost l’ONG Avaaz.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter cet article consacré à ce sujet

La drague antivax de Virginie Joron

Le Parlement européen a aussi été utilisé par le RN comme une chambre d’écho des discours covidosceptiques. À la manœuvre, l’eurodéputée Virginie Joron, qui a consacré quasi exclusivement son activité de parlementaire européenne à blanchir les discours antivax, sur fond de sous-entendus complotistes. Sur le site du Parlement européen, on peut mesurer l’ampleur de cette croisade. Un débat sur la situation en Hongrie et le gel des fonds de l’UE ? Sa question évoque « les sommes géantes versées à Pfizer-BioNtech ». Une discussion sur « l’approche stratégique de l’application du droit de l’Union » ? L’occasion pour l’élue d’évoquer les soi-disant « 12 000 morts et des millions d’effets secondaires des vaccins contre la Covid-19 ».

Le Parlement européen lui a également permis de recevoir certaines sulfureuses à l’image d’Alexandra Henrion Caude, ex-généticienne devenue icône des antivax, aperçue dans le film conspirationniste Hold-up et dans les cortèges de Florian Philippot, aux côtés de Jean-Marie Bigard et Francis Lalanne. Ou encore Christian Perronne, l’une des figures de proue du mouvement antivax, promoteur de l’hydroxychloroquine. Une activité assez éloignée de la « normalisation » recherchée par le RN, mais qui n’a pas empêché Virginie Joron d’être réinvestie, et en bonne place, sur la liste de Jordan Bardella.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter cet article consacré cette eurodéputée

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