Européennes 2024 : Emmanuel Macron joue gros dans cette autre campagne qui commence

Emmanuel Macron laisse planer le doute quant à son soutien à la candidature d’Ursula von der Leyen ici accueillie à l’Elysée le 3 avril 2023, à la tête de la commission européenne
LUDOVIC MARIN / AFP Emmanuel Macron laisse planer le doute quant à son soutien à la candidature d’Ursula von der Leyen ici accueillie à l’Elysée le 3 avril 2023, à la tête de la commission européenne

ÉLECTIONS - Quel est le contraire de « faiseur de roi », « chuteur de von der Leyen » ? Alors que la campagne pour l’élection des eurodéputés entre dans sa dernière phase, un autre champ de bataille européen est en revanche toujours bien actif : celui des top jobs, à savoir présidence du Parlement européen, présidence de la Commission européenne, Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, présidence de la BCE, présidence du Conseil européen.

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Il y a cinq ans, Emmanuel Macron avait réussi à la dernière minute à manœuvrer pour installer Ursula von der Leyen à la présidence de la convoitée Commission européenne. La tête de l’organe exécutif de l’UE est sans aucun doute le poste le plus politique des cinq top jobs. Cinq ans plus tard le tableau est bien différent. Explications.

Depuis 2014, l’Union a vu s’installer le système des spitzenkandidaten c’est-à-dire que les partis européens désignent un candidat tête de liste au poste. Charge ensuite au Conseil européen (les chefs d’État et de gouvernement) d’en sélectionner un seul et soumettre son nom au vote du Parlement - l’idée étant de choisir le candidat du parti qui a le plus gros groupe afin de respecter le résultat des élections.

La surprise du chef ?

Sauf qu’en 2019, le Conseil européen a choisi de passer partiellement outre le système du « spitzenkandidat », qui n’a par ailleurs rien « d’automatique », et de proposer au vote Ursula von der Leyen. Si elle était bien issue du PPE - plus gros groupe élu au Parlement - elle n’était pas officiellement candidate, son parti lui ayant préféré Manfred Weber. Elle a été finalement été élue à une courte majorité - neuf voix - par le Parlement européen. Rebelote en 2024 ?

Emmanuel Macron n’a jamais caché son opposition à ce système. « La présidence de la Commission a une vocation de défense de l’intérêt général (...) elle doit s’élever tout à la fois au-dessus des partis et des pays », a défendu récemment le président français.

Si la présidente sortante a officiellement été désignée par le PPE début mars, le président change lui avoir semblé de braquet. Et lui préférer Mario Draghi ? Pascal Canfin, quatrième de la liste de Valérie Hayer, a mis les pieds dans le plat en début de semaine. Interrogé sur l’éventuel soutien de la France à un deuxième mandat de la dirigeante allemande, il a répliqué : « La France et tous les acteurs de l’écosystème présidentiel aimeraient que Draghi joue un rôle », reconnaissant que cela ne serait pas facile. Si auprès de Politico, un conseiller présidentiel a démenti l’assertion selon laquelle il s’agirait d’une volonté de « l’écosystème présidentiel », la rumeur bruisse trop fort pour être une simple gaffe.

Mettre les crampons face à Meloni

Comme en 2019, Macron devra négocier durement s’il veut à nouveau renverser la table des spitzenkandidaten et imposer le sien, d’autant que les sondages annoncent une déroute pour les libéraux du groupe Renew.

Face à l’influence croissant de la botte notamment, il va falloir chausser les crampons. Giorgia Meloni qui a déjà eu droit aux yeux de Chimène de Marine Le Pen et aux appels du pied d’Ursula von der Leyen, a désormais la stature d’une quasi-faiseuse de roi. Forte d’une légitimité européenne construite pas à pas, la première ministre italienne devrait ressortir du 9 juin renforcée. Les sondages donnant une poussée sans précédent de l’extrême droite, le groupe ECR, où siège Fratelli d’Italia et qui refuse de proposer un spitzenkandidat, pourrait devenir le quatrième groupe à Bruxelles. Et prétendre à l’un des tops jobs.

Si Meloni n’a pour l’instant pas évoqué publiquement « Super Mario », une présidence italienne à la tête de la Commission serait forcément un plus. Notamment face au couple franco-allemand.

Berlin, ou l’autre coup de bande possible pour Macron. Olaf Scholz avec lequel le président français vient de passer trois jours de rabibochage n’a que peu goûté les récents clins d’œil appuyés de sa compatriote à Giorgia Meloni. « Il est clair pour moi que lorsque la prochaine Commission sera formée, elle ne doit pas être basée sur une majorité qui a également besoin du soutien des extrémistes de droite », a récemment prévenu le dirigeant social-démocrate. L’enjeu est loin d’être mineur pour Berlin : se détourner d’une candidate allemande à un poste si prestigieux, c’est se risquer à une sérieuse perte d’influence. Sauf que contrairement à Emmanuel Macron, la coalition au pouvoir en Allemagne s’est engagée à respecter le système des spitzenkandidaten.

La mise en garde est en tout cas sérieuse et surtout elle n’est pas isolée. Lors d’un débat entre spitzenkandidaten, Terry Reintke pour les Verts, et Nicolas Schmit pour les sociaux-démocrates, ont mis en garde Ursula von der Leyen sur un virage droitier. En interne, elle ne pourra pas non plus compter sur la poignée de LR qui siègent au PPE, au point d’incarner pour Éric Ciotti « la dérive technocratique de l’Europe ». Autant d’alliés pour qui voudrait manœuvrer à écarter l’Allemande ?

En tout état de cause, le moment n’est pas encore venu pour le président français d’abattre ses cartes, et de prendre le risque de griller son soutien qui se monnaiera cher. Et pourquoi pas avec un autre top job pour Thierry Breton, fidèle macroniste ? En attendant, la réunion du G7 qui aura lieu le 13 juin prochain dans les Pouilles et où se rendront Macron, Meloni et Scholz, risque bien de faire siffler les oreilles d’Ursula von der Leyen.

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