Espionner ses employés, “c’est du taylorisme 2.0”
John Naughton est professeur de “compréhension publique de la technologie” à l’Open University et enseignant-chercheur à l’université de Cambridge. Il est notamment l’auteur de From Gutenberg to Zuckerberg : What You Really Need to Know About the Internet [“De Gutenberg à Zuckerberg : ce que vous devez vraiment savoir sur Internet”, 2011, inédit en français]. Dans les pages du Guardian, il évoque la dernière évolution technologique à avoir fait irruption dans le monde du travail : les bosswares, terme anglais qui désigne les logiciels de surveillance des employés par leurs patrons.
Selon lui, cette nouveauté n’en est pas vraiment une car elle repose sur un principe énoncé dès le début du XXe siècle par Frederick Winslow Taylor, à qui l’on doit la doctrine du “taylorisme” exposée dans Les Principes de gestion scientifique, publié en 1911. Pour Taylor, chaque travailleur devait être formé continuellement à de nouvelles habitudes et chronométré pour que sa productivité soit augmentée le plus efficacement grâce à des outils rationnels et scientifiques.
“Taylor est décédé en 1915, mais devinez quoi ? Il est de retour, avec une formule actualisée où le chronomètre a été remplacé par l’algorithme et la coercition par des contrats unilatéraux, explique John Naughton. La pandémie a été un moment charnière dans l’évolution de l’emploi, car les entreprises sont devenues paranoïaques quant à la nécessité de s’assurer que les travailleurs à distance travaillent réellement. Ils ont donc installé des logiciels de surveillance – bosswares – sur leurs machines.”
Et ces logiciels vont très loin : ils permettent aux employeurs de surveiller ce que les salariés tapent sur le clavier de leur ordinateur, d’écouter leurs conversations et de suivre leurs moindres mouvements. Cette évolution qualifiée de “dystopique” par John Naughton s’explique par l’obsession pour la rationalisation, la réduction des coûts, la maximisation des profits, et par “le manque de confiance chronique qui caractérise désormais la vie des entreprises au XXIe siècle”.
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