En Espagne, la loi d’amnistie du Premier ministre Pedro Sanchez crispe tout un pays

Renforcé politiquement par son accord avec les indépendantistes catalans, Pedro Sanchez est toutefois plus contesté que jamais à cause de la loi d’amnistie qu’il a été contraint de concéder pour former cette alliance.
THOMAS COEX / AFP Renforcé politiquement par son accord avec les indépendantistes catalans, Pedro Sanchez est toutefois plus contesté que jamais à cause de la loi d’amnistie qu’il a été contraint de concéder pour former cette alliance.

ESPAGNE - Un tour de force politique vécu comme une trahison par une bonne partie des opposants au socialiste Pedro Sanchez. Alors que des millions de manifestants se sont réunis dans les rues des plus grandes villes d’Espagne pays dimanche 12 novembre pour s’opposer à un projet de loi concédé par le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, la colère ne redescend pas, en particulier chez les conservateurs.

En Espagne, la colère s’exprime contre Pedro Sanchez et sa loi d’amnistie des indépendantistes catalans

Et pour cause. Arrivé deuxième des élections législatives du 23 juillet 2023, le Premier ministre a accordé plusieurs concessions aux partis indépendantistes catalans pour former une majorité lors du vote de confiance prévu ce jeudi 16 novembre au Parlement. Et parmi elles, faire adopter une loi permettant aux indépendantistes catalans de disposer d’une amnistie après la grave crise politique qui avait frappé l’Espagne en 2017.

Tentative de sécession avortée en 2017

A l’époque, le référendum sur l’autodétermination de la Catalogne avait engendré l’une des pires crises politiques du pays, de nombreuses scènes de violence et avait fini par provoquer la fuite à Bruxelles de plusieurs dirigeants catalans. Dont l’ancien président du gouvernement local et eurodéputé Carles Puigdemont.

C’est donc à Bruxelles que Pedro Sanchez a posé ses valises le 9 novembre pour négocier un accord avec les indépendantistes exilés, convaincu d’apporter leur soutien à l’actuel Premier ministre en échange de ce projet de loi qui leur permettrait de réintégrer l’Espagne sans risque de poursuites judiciaires pour leur implication dans l’organisation du référendum.

Bien aidé par le soutien des indépendantistes catalans (sans oublier les nationalistes basques), Pedro Sanchez s’est donc assuré un nouveau mandat à la tête du pays. Désormais, il compte 179 sièges sur les 176 indispensables pour obtenir une majorité absolue.

Mais cet accord provoque une crispation inédite, d’autant plus que l’accord passé entre Sanchez et la formation politique de Puigdemont comprend également l’ouverture de négociations sur la question de la « reconnaissance de la Catalogne comme nation ». Sans oublier l’annulation d’une dette de 15 milliards d’euros contractée par la Catalogne auprès de l’État après la crise financière de 2008.

Majorité absolue, mais pour combien de temps ?

Face à cet accord, l’opposition de droite et d’extrême droite est furieuse. Le Parti Populaire (PP), principale formation de l’opposition de droite, était d’ailleurs à l’initiative des rassemblements observés dimanche dans 52 villes d’Espagne.

« Nous ne nous tairons pas jusqu’à ce qu’il y ait de nouvelles élections », a averti le chef du PP, Alberto Núñez Feijóo, lors de son discours à Madrid, assurant que cette mobilisation « va bien au-delà » de son parti. Mais comme réponse, Pedro Sanchez s’est contenté d’inviter le PP à « accepter le résultat des urnes et la légitimité du gouvernement que nous allons bientôt former ».

Et si le parti d’extrême droite Vox s’est également joint aux manifestations du PP dimanche, il s’est surtout illustré en organisant plusieurs rassemblements devant les différents sièges du parti politique de Pedro Sanchez. Rassemblements qui ont provoqué des incidents entre militants du parti d’extrême droite et forces de l’ordre tout au long de la semaine dernière.

« Nous avons le devoir de résister à un gouvernement et à un tyran qui va obtenir son investiture grâce à tous les ennemis de l’Espagne », a lâché le leader de Vox, Santiago Abascal, lors de l’une des manifestations organisées devant le siège du Parti socialiste à Madrid.

De nouveaux appels à la mobilisation sont en outre déjà prévus dans les prochains jours pour dénoncer la future loi d’amnistie, considérée par beaucoup comme contraire aux principes d’égalité et de séparation des pouvoirs en Espagne.

Une polarisation extrême de la vie politique espagnole semble donc se dessiner pour les mois à venir. Elle se couple d’ailleurs d’inquiétudes sur la stabilité de l’excécutif, Carles Puigdemont étant connu pour s’être longtemps opposé au gouvernement de gauche et pour s’afficher comme le leader catalan le plus indépendantiste. Ce qui ne colle pas vraiment avec la nature de sa nouvelle alliance politique.

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