Quand Erri De Luca joue au mikado

Erri De Luca.  - Credit:Arnaud Meyer/Leextra via Opale.photo
Erri De Luca. - Credit:Arnaud Meyer/Leextra via Opale.photo

Dans Impossible (Gallimard, 2020), Erri De Luca orchestrait avec maestria la rencontre dans les Alpes, piolet en main, de deux ex-protagonistes des années de plomb italiennes : l'un, qui avait dénoncé l'autre à la police, le payait de sa vie. De Luca nous fait à nouveau grimper des sommets, cette fois à la frontière de l'Italie et de la Slovénie, à la suite d'un vieil horloger aimant bivouaquer en solitaire qui voit une jeune Tsigane fuyant un mariage imposé par sa famille de forains frapper à la porte de sa tente.

C'est a priori « la rencontre fortuite[…] d'une machine à coudre et d'un parapluie » dont parlait Lautréamont : lui ne croit qu'à la logique et à la minutie – il a tant réparé d'horloges qu'il voit tout à travers les règles du mikado, ce jeu de patience et de self-control. Elle ne croit à l'inverse qu'aux signes astraux et aux lignes de la main qu'elle lit avec le savoir hérité de son peuple, et regrette amèrement l'ours qu'elle montrait après l'avoir dressé – pas exactement l'animal capable de s'imposer au mikado.

À LIRE AUSSI Erri De Luca, entre terre et cielQuelque chose rapproche pourtant la jeune Tsigane analphabète du vieux solitaire aimant citer Épicure : elle fuit non seulement sa famille, qui estime son honneur bafoué, mais aussi les polices qui traquent les sans-papiers ; lui a créé une fondation qui se charge de régulariser les clandestins sans toit. Ce qu'il fait, après lui avoir trouvé, dans le port voisin de Grado, un emploi sur le c [...] Lire la suite