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Erdogan contrarié par la situation à Mossoul

par Orhan Coskun et Nick Tattersall ANKARA/ISTANBUL (Reuters) - Contrarié par l'exclusion des forces turques de l'offensive menée à Mossoul contre l'Etat islamique et par les progrès des milices kurdes en Syrie, Recep Tayyip Erdogan a prévenu mercredi que la Turquie ne resterait pas les bras croisés et qu'elle pourrait agir seule pour éradiquer ses ennemis. Dans un discours prononcé au palais présidentiel, Recep Tayyip Erdogan a évoqué une Turquie rétrécie par la volonté de puissances étrangères "soucieuses de lui faire oublier son passé ottoman et seldjoukide" évoquant l'empire immense qui s'étendait autrefois jusqu'à l'Asie centrale. Le chef de l'Etat a une fois de plus fustigé les concessions territoriales acceptées par les dirigeants turcs en 1923 lors de la signature du Traité de Lausanne et ce discours nationaliste trouve une résonance dans la presse pro-gouvernementale qui a publié cette semaine des cartes rappelant que Mossoul appartenait autrefois à l'empire ottoman. Recep Tayyip Erdogan peut en outre compter sur le regain de patriotisme qui anime la population turque depuis l'échec du coup d'Etat de juillet dont il est sorti renforcé, grâce, notamment, à la mobilisation de ses partisans. "Dorénavant, nous n'allons pas attendre que les problèmes viennent frapper à notre porte, que les terroristes s'infiltrent sur nos terres. Nous irons combattre les terroristes là où ils se trouvent", a-t-il déclaré devant des centaines de "muhtars", des maires de quartiers et de villages, selon des propos cités par l'agence de presse Anatolie. "VOUS NE SAVEZ RIEN" "Nous allons combattre jusqu'au bout ceux qui soutiennent l'organisation terroriste séparatiste. Je le dis clairement: là où ils se trouvent, à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières, nous les empêcherons de respirer", a-t-il dit, évoquant le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Recep Tayyip Erdogan reproche à Washington de soutenir les miliciens kurdes qui combattent l'organisation Etat islamique en Syrie et qui sont selon lui le prolongement du PKK. Il regrette aussi que la coalition menée par Washington mette l'accent sur le combat contre l'EI au lieu de cibler le régime de Bachar al Assad qu'elle juge responsable du déclenchement de la guerre. "Nous connaissons cette région. Ici, vous êtes des étrangers. Vous ne savez rien", a-t-il déclaré, provoquant un tonnerre d'applaudissements. "Ils ont cru qu'ils pourraient nous écarter de Mossoul en nous contrariant avec le PKK et Daech (...), ils pensent qu'ils peuvent façonner notre avenir", a-t-lancé. "Nous savons que les armes des terroristes vont très vite leur exploser entre les mains." Recep Tayyip Erdogan a mis en garde contre le risque d'exactions qui pourraient être commises par les milices chiites irakiennes si ces dernières devaient participer à l'assaut sur Mossoul au côté de l'armée de Bagdad. La Turquie et l'Irak entretiennent des relations tendues, en raison notamment de la présence de soldats turcs sur le sol irakien alors que Bagdad s'y oppose. "Je lance un avertissement aux organisations terroristes, au gouvernement sectaire de Bagdad et au gouvernement Assad qui tue son propre peuple: vous empruntez le mauvais chemin. L'incendie que vous tentez d'allumer vous brûlera plus qu'il ne nous brûlera", a-t-il prévenu. "Rien ne nous oblige à endosser le rôle que d'autres ont voulu nous assigner. Nous avons commencé à suivre notre propre plan." (Avec Tuvan Gumrukcu à Ankara et Daren Butler à Istanbul, Nicolas Delame pour le service français, édité par Tangi Salaün)