"Entre bad boy et chaton": comment Pierre Garnier, gagnant de la Star Ac', est devenu un phénomène

Baptême du feu pour Pierre Garnier. Le chanteur dévoile ce vendredi son tout premier album, Chaque seconde, quatre mois après sa victoire à la Star Academy. Un disque qui a toutes les chances de cartonner, tant le chanteur déchaîne les passions depuis sa sortie du château de Dammarie-les-Lys.

Le télé-crochet n'avait sans doute pas généré un engouement aussi immédiat depuis Jenifer, gagnante de la toute première édition en 2002: la chanteuse de Au soleil a connu à l'époque un succès en télé et en radio probablement comparable à celui que Pierre Garnier goûte, 20 ans plus tard, sur les plateformes et les réseaux sociaux.

"Ça fait trois ans que je travaille chez Spotify, et je n'ai jamais vu un tel phénomène", assure à BFMTV Loïc Demaille, responsable au sein de la branche française du géant du streaming.

Sur la plateforme suédoise, Pierre Garnier comptabilise 2,6 millions d'auditeurs mensuels. C'est plus que Julien Doré, Clara Luciani ou Juliette Armanet, trois des principales figures de la variété française actuelle. Bien sûr, aucun d'entre eux n'a récemment sorti d'album; mais le petit nouveau les surpasse avec seulement deux chansons disponibles, quand les discographies de ses confrères comptent plusieurs albums.

Son plus récent single, Nous on sait... et évidemment l'incontournable Ceux qu'on était, son titre dévoilé en février au sortir de la Star Academy, qui l'a consacré comme nouveau raz-de-marée de la scène française.

Buzz inespéré

La chanson avait tout pour devenir un tube. Ce morceau co-composé par Joseph Kamel, Daysy et Pierre Garnier lui-même avant le lancement de la saison a été interprété par le chanteur lors du programme, dans l'une des pièces du château. L'extrait de cette prestation diffusé dans le live est immédiatement devenu viral sur les réseaux sociaux, générant des centaines de milliers d'écoutes sur TikTok, YouTube ou X, et même des reprises alors que la chanson n'était même pas encore sortie.

Pierre Garnier a bénéficié d'un nouveau coup de d'accélérateur le soir de la finale lorsque la star du R'n'B Dadju, venu sur le plateau interpréter l'un de ses propres titres avec lui, a changé d'avis à la dernière minute.

"Aujourd'hui, j'ai pas envie qu'on chante du Dadju, j'ai envie qu'on chante du Pierre", a lâché l'interprète de Reine à la surprise générale, demandant à Pierre Garnier de chanter Ceux qu'on était en guitare-voix à la place du morceau prévu.

Pierre Garnier s'est exécuté, offrant au public une première interprétation complète du morceau. La séquence a fait office de clou du spectacle de cette finale.

"Ça a été déterminant", estime Lola. Cette étudiante parisienne de 21 ans, qui tient le compte fan Pierre Garnier Musique sur Twitter, poursuit: "Le public avait tout de suite adoré la chanson en l'entendant dans le live. Là, il pouvait enfin la chanter, par surprise en plus, sans même que la production ne s'y attende."

Sur les réseaux sociaux, sa cote a grimpé instantanément. De 500.000 abonnés sur Instagram avant la finale, il passe à 1,1 million immédiatement après sa victoire. Soit autant que des stars de la chanson française telles que Slimane ou Vitaa.

"À la fois une nouveauté et un tube"

C'est fort de ces coups de projecteur - et de sa victoire - que Pierre Garnier a enfin dévoilé une version studio de Ceux qu'on était le 6 février. Carton immédiat; deux jours après sa sortie, il était le morceau le plus écouté sur Deezer, Apple Music et Spotify, où il comptabilisait déjà plus d'un million d'écoutes.

"C'était à la fois une nouveauté et un tube", résume Loïc Demaille. "En général, on met les nouveautés auxquelles on croit dans la playlist New Music Friday pour ensuite les mettre dans notre playlist de hits. Pour Pierre Garnier, on l'a fait simultanément; on n'avait jamais fait ça pour aucun artiste."

Single le plus écouté en France à la mi-février, Ceux qu'on était est certifié single d'or en l'espace de trois semaines, puis platine, et enfin diamant en mai. Il frôle aujourd'hui les 50 millions d'écoutes rien que sur Spotify.

"On sentait le truc arriver", raconte Loïc Demaille. "Rien qu'en tant que téléspectateurs de la 'Star Academy', on voyait que ça montait. Alors on s’attendait à ce que ça marche... mais pas autant."

Mi-mai, Pierre Garnier rempile avec un nouvel extrait de son album, Nous on sait. Et réalise un score en-deçà de celui de Ceux qu'on était. "C'est normal, et dans ces circonstances encore plus", analyse le spécialiste. "Le premier a été un tel phénomène que c’est difficile de comparer les deux. Le succès qu’a connu le premier n’arrive quasiment jamais. Le deuxième, en termes de variété française, marche vraiment bien."

Le bon garçon, la bonne saison

À cette effervescence autour de son morceau s'ajoute la personnalité de Pierre Garnier, qui durant toute l'aventure Star Ac' s'est illustré par sa douceur, son esprit d'équipe et son humilité.

"Ce qui a différencié Pierre des autres c’est qu’il était très attachant, spontané, naturel", énumère Lola, qui voit déjà en lui une "icône de la pop d'aujourd'hui". "Il est resté lui-même pendant son passage au château."

Autant de valeurs promptes à susciter la tendresse des jeunes des années 2020, analyse pour BFMTV.com la sociologue des médias Nathalie Nadaud-Albertini: "Dans les années 1980-1990, on était dans le culte de la performance", explique l'autrice de 12 ans de télé-réalité: au-delà des critiques morales.

"Il fallait réussir, quitte à marcher sur les autres. C’était ça qui était valorisé. Aujourd'hui, on est à l’opposé. L'idéal correspond à un monde bienveillant, avec une espèce d'harmonie entre les gens, sans compétition trop importante. Et ça correspond à ce que dégage Pierre."

"Il a ce timbre de voix rauque, qu'on associe à l'authenticité et au talent brut, ses cheveux longs, sa guitare... et en même temps c'est quelqu'un de doux, de gentil. Un croisement entre le bad boy et le chaton. Pendant le programme il se mettait en retrait, on insistait sur ses qualités de modestie en les valorisant. Ça dit quelque chose d'une époque."

La spécialiste doute par ailleurs qu'il ait pu connaître le même succès s'il avait participé à la précédente édition de la Star Academy, en 2022, grand retour du programme après dix ans d'absence remporté par Anisha Jo:

"Il y a deux ans, c'était une forme de programme-test", décrypte-t-elle. C'était assez court (six semaines de diffusion contre treize cette année, NDLR), ça a rendu l'attachement du public plus compliqué."

"Cette fois-ci, nous avons eu une saison plus longue et plus étoffée", poursuit Nathalie Nadaud-Albertini. "Ça a donné l'idée que c'était le vrai retour, et ça a créé l'événement autour de cette nouvelle saison." Et, forcément, de son gagnant.

Un événement qui se prolonge: les places des 12 premières dates de sa tournée, le Chaque seconde Tour prévu pour 2024, se sont écoulées en l'espace de deux heures lors de leur prévente le 31 mai. Celles de son passage par l'Olympia, le 22 janvier prochain, sont parties en deux minutes.

Article original publié sur BFMTV.com