Trêve après de violents combats dans la capitale du Yémen

par Yara Bayoumy et Mohammed Ghobari SANAA (Reuters) - D'intenses tirs d'artillerie et fusillades ont opposé lundi les troupes gouvernementales et les miliciens chiites houthis près du palais présidentiel à Sanaa, la capitale du Yémen, faisant au moins neuf morts selon le gouvernement. Un ministre a dénoncé une tentative de coup d'Etat. Après plusieurs heures de combats, un accord de cessez-le-feu a été conclu et semblait tenir. Dans la soirée, des miliciens houthis ont encerclé le palais de la République où vit le premier ministre Khaled Bahah, dont le convoi a été attaqué dans la journée. "Le Premier ministre est à l'intérieur", a déclaré un porte-parole du gouvernement. Selon le ministre de la Santé Riyadh Yassine, les combats ont fait neuf morts et 90 blessés mais le bilan est provisoire. Des explosions ont été entendues dans plusieurs quartiers de la ville qui a connu ses plus violents combats depuis que les miliciens houthis en ont pris le contrôle au mois de septembre. Selon la ministre de l'Information Nadia al Sakkaf, le palais présidentiel a été la cible d'une "attaque directe", ce qui selon elle équivaut à une tentative de coup d'Etat. "Si vous attaquez le palais présidentiel, cela constitue une agression et il s'agit évidemment d'une tentative de coup d'Etat", a-t-elle affirmé. La ministre n'a pas désigné nommément les auteurs de l'attaque mais a indiqué que les houthis avaient pris le contrôle de l'agence de presse nationale Saba et de la télévision publique. La tension s'est exacerbée entre le président Abd Rabbou Mansour Hadi et les miliciens qui ont enlevé samedi son chef de cabinet Ahmed Aouad ben Moubarak afin de disposer d'un moyen de pression dans les discussions sur la nouvelle Constitution dont doit se doter le pays. Les houthis ont promis "d'envenimer la situation" dans le pays si leurs demandes en faveur d'une nouvelle loi fondamentale qui leur soit plus favorable ne sont pas entendues. LUTTE D'INFLUENCE L'attaque contre le palais défendu par une unité de la garde présidentielle a fait un mort et trois blessés, selon Nadia al Sakkaf. Les combattants houthis ont même ouvert le feu sur un convoi automobile transportant le Premier ministre Khaled Bahah à un point de contrôle, a ajouté la ministre de l'Information. L'incident s'est produit peu après une rencontre entre le chef du gouvernement et le président Abd Rabbou Mansour Hadi accompagné de son conseiller houthi Saleh al Samad pour tenter de résoudre l'actuelle crise politique. Un porte-parole gouvernemental a affirmé que cette attaque était une tentative d'assassinat du chef du gouvernement. Les combats qui ont éclaté lundi matin se sont produits à proximité du palais présidentiel et de la résidence du chef de la sécurité nationale. On ignore si le président Hadi se trouvait sur place au moment des affrontements. Des habitants ont indiqué que les troupes gouvernementales avaient pilonné un complexe résidentiel utilisé comme base par les houthis et que de la fumée s'élevait au-dessus des lieux. Des fusillades et des explosions ont également été signalées dans le quartier de Hadda, qui abrite les représentations diplomatiques, dans le sud de la capitale. "MORT À L'AMÉRIQUE" Un journaliste de Reuters dit avoir vu des hommes en treillis, armés de bazookas avec les sigles houthis "Mort à l'Amérique" et "Mort à Israël", circuler dans la rue Al Khamsine où se trouvent les résidences de responsables gouvernementaux chargés de la sécurité, dont le ministre de la Défense. Considérés comme les alliés de l'Iran dans la lutte d'influence qui l'oppose à l'Arabie saoudite dans la région du Golfe, les houthis se sont rendus maîtres de Sanaa au mois de septembre. Ayant alors contraint le gouvernement à la démission, ils contrôlent désormais une grande partie du pays après avoir conquis certains territoires dans le centre et l'ouest du pays qui étaient jusqu'alors sous domination sunnite. Malgré cette avancée, les houthis doivent compter avec la résistance des insurgés sunnites d'Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), organisation qui a revendiqué la responsabilité de la tuerie de Charlie Hebdo le 7 janvier à Paris. (Benoît Van Overstraeten, Pierre Sérisier et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)