"Il est encore en état de choc", l'avocate du manifestant amputé d'un testicule réfute la thèse de la légitime défense

Selon toute vraisemblance, l'affaire devrait se terminer devant les tribunaux. Ce dimanche, Ivan S., âgé de 26 ans, a annoncé dans les colonnes de Libération son intention de déposer plainte contre un policier qu'il accuse de lui avoir donné sans raison un coup de matraque alors qu'il était au sol, lui valant une amputation du testicule droit.

Conséquences physiques et morales

Sur les images tournées par BFMTV en fin de manifestation contre la réforme des retraites jeudi passé à Paris, on voit le jeune homme, à terre, son appareil photo dans une main. Un agent arrive et, selon le récit du photographe fait au même quotidien, "prend de l'élan, saute avec tout son poids juste à côté de [lui] et, en même temps, [lui] donne un grand coup de matraque au niveau de l'entrejambe."

Ce dimanche sur l'antenne de BFMTV, Me Lucie Simon, avocate de la victime, a confirmé qu'une plainte serait déposée pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique entraînant une mutilation." Selon elle, le vingtenaire est profondément marqué par l'agression et son hospitalisation.

"Il vient de sortir d’hospitalisation. Je ne vais pas vous dire qu’il va bien, il est encore en état de choc, sa vie est en train de basculer. Il y a eu l’ablation d’un testicule, donc des conséquences irréversibles sur sa santé physique, mais aussi morale", dit-elle.

"Il est inoffensif"

Sur le fond du dossier, la femme de loi rappelle que le photographe "n'est pas journaliste mais ingénieur de profession." "Ce jour-là, il manifeste avec un ami, il rejoint son cousin, il a pris son appareil photo parce qu’il aime faire des photos", avant que la situation ne bascule.

"Comme d’autres photojournalistes, il est en train de prendre des photos lorsqu’il y a une charge, on appelle ça un bond offensif, de la part de la police. Il y a une petite cohue", continue-t-elle.

C'est alors qu'Ivan S. tombe au sol après cette avancée policière. "On comprend qu’un premier policier va lui assener un coup de pied, il est à terre, à quatre pattes, il tombe suite à ce premier coup de pied, il est sur le dos avec ses deux mains sur son appareil, il est inoffensif", détaille-t-elle.

"Et là vous avez un deuxième policier qui va traverser tout le trottoir, à grandes enjambées, pour faire un bond sur la victime et lui assener un coup de matraque. Mais pas à n’importe quel endroit, et de manière parfaitement délibérée, dans les parties génitales", continue Me Lucie Simon.

La question de la légitime défense

Également invité ce dimanche sur l'antenne de BFMTV, Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, après avoir eu "une pensée" pour le photographe, a tenu à rester prudent quant à ce dossier.

"Il faut identifier ce qui relève de la légitime défense ou non", a-t-il dit.

Un argument immédiatement balayé par l'avocate de la victime, qui rappelle que l'acte est "purement gratuit" rappelant que son client "est à terre et ne représente pas de danger." "La légitime défense est une question d’immédiateté, de nécessité et de proportionnalité, il va y avoir une riposte des forces de l’ordre face à un danger actuel imminent représenté par la personne qui devient la victime", détaille-t-elle.

Selon elle, la légitime défense ne peut être retenue car après cette charge, aucun manifestant n'a été interpellé.

"C’est très important pour le dossier, notamment sur la question de la légitime défense. Il n’y a aucune interpellation après", explique-t-elle.

"Lorsque vous avez quelqu’un qui assène des projectiles envers la police, parfois on a des interpellations violentes, il faut le regretter, le critiquer, le dénoncer, mais il y a une interpellation", conclut-elle.

Après avoir reçu des premiers soins sur place, Ivan S. est rentré chez lui dans le nord de Paris où il loge. Avec son cousin et un proche, il se rend chez un médecin qui l'oriente vers l'hôpital Tenon, dans le 20e arrondissement. A son arrivée au centre hospitalier, "mon testicule faisait la taille d’une balle de tennis" se rappelle-t-il, encore auprès de Libération. Une blessure jugée trop grave, et qui a nécessité l'amputation.

Article original publié sur BFMTV.com