En Corée du Nord, la corruption pour survivre, selon l'Onu

Les Nord-Coréens sont contraints de payer des pots-de-vin pour survivre dans leur pays, où la corruption est "endémique", dénonce mardi le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) dans un rapport. /Photo prise le 11 mars 2019/REUTERS/Denis Balibouse

par Stephanie Nebehay

GENEVE (Reuters) - Les Nord-Coréens sont contraints de payer des pots-de-vin pour survivre dans leur pays, où la corruption est "endémique", dénonce mardi le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) dans un rapport.

Les représentants des autorités extorquent de l'argent aux citoyens et les menacent de détention et de poursuites, en particulier ceux qui travaillent dans l'économie informelle, souligne l'organisation basée à Genève.

La mission nord-coréenne à Genève, à qui le rapport a été envoyé, a déclaré que le document était fabriqué de toutes pièces à partir de "soi-disant témoignages de 'transfuges' qui fournissent de fausses informations pour gagner de l'argent ou sous la contrainte".

La Corée du Nord rejette la responsabilité de la grave crise humanitaire que traverse le pays sur les sanctions économiques qui lui sont imposées depuis 2006 par les Nations unies en réponse à ses activités nucléaires, interdites par les traités.

Mais le rapport souligne que l'armée nord-coréenne reçoit une grosse part du budget de l'Etat et déplore la mauvaise gestion de l'économie.

"Le droit de s'alimenter, de se soigner, de se loger, de travailler, la liberté de mouvement sont universels et inaliénables, mais en Corée du Nord, ils dépendent avant tout de la capacité des individus à corrompre les représentants de l'Etat", a déploré Michelle Bachelet, haut commissaire aux droits de l'homme, dans un communiqué.

"PRIVATION, CORRUPTION, RÉPRESSION"

Selon les Nations unies, quatre Nord-Coréens sur dix sont en manque chronique de nourriture.

"La menace de l'arrestation, de la détention et des poursuites fournit aux représentants de l'Etat un moyen puissant d'extorquer de l'argent à une population qui se bat pour survivre", relève le rapport du HCDH.

Le versement de pots-de-vin est une "occupation quotidienne pour les habitants qui peinent à boucler leurs fins de mois", peut-on lire encore dans le document qui évoque un "cercle vicieux de privation, corruption et répression".

Le rapport s'appuie sur 214 entretiens avec des "fugitifs" nord-coréens originaires principalement des provinces de Ryanggang et Nord-Hamgyong dans le nord-est du pays, à la frontière avec la Chine.

"Si vous vous contentez de suivre les instructions venant de l'Etat, vous mourez de faim", déclare une femme désormais installée en Corée du Sud.

"Si vous avez de l'argent, vous pouvez vous en sortir, même pour un meurtre", ajoute un autre témoin.

De nombreux Nord-Coréens offrent argent ou cigarettes pour ne pas être recrutés par l'Etat dans des emplois non rémunérés et gagnent leur vie en vendant des biens sur des marchés rudimentaires, relève le rapport.

D'autres corrompent les garde-frontières pour passer en Chine, où les femmes sont exposées aux mariages forcés ou la prostitution.

Les Etats-Unis ont exigé ce mois-ci le démantèlement de tous les camps de prisonniers politiques en Corée du Nord. Washington évalue de 80.000 à 120.000 le nombre de détenus politiques dans le pays.

(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)