Emmanuel Macron veut un statut particulier pour la Corse dans la Constitution, voici ce que ça implique

POLITIQUE - C’est le sujet sur lequel il était, sur place, principalement attendu. Depuis Ajaccio ce jeudi 28 septembre, Emmanuel Macron a annoncé qu’il était favorable à l’ouverture d’un nouveau chapitre dans la relation entre l’État et l’Île-de-beauté. Plus précisément, le président de la République a proposé une « autonomie à la Corse », qui passerait notamment par une révision constitutionnelle.

« Je suis favorable à ce que les spécificités de la communauté insulaire corse soient reconnues dans la Constitution au sein d’un article propre », a-t-il déclaré. Par « spécificités », Emmanuel Macron entend surtout la reconnaissance d’une « communauté insulaire historique, linguistique et culturelle ». Une déclaration de principe dont les contours restent à préciser. Le chef de l’État a d’ailleurs renvoyé la balle aux élus corses, en leur donnant « six mois » pour « s’entendre sur un texte constitutionnel et organique ».

Transfert normatif

Mais de quoi parle-t-on ? Au-delà de la dimension symbolique, cette modification permettrait de doter la Corse de nouvelles compétences : les nationalistes et les autonomistes réclament de longue date un « transfert normatif », qui permettrait à cette collectivité de disposer de ses propres règles. « L’inscription de la Corse dans la Constitution est la condition sine qua non de l’ouverture d’un espace juridique qui nous permettra de mettre en œuvre des politiques », expliquait en décembre 2017 Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse.

« Un tel statut permettrait de transférer certaines compétences de l’État au niveau régional, notamment en matière fiscale, foncière et linguistique. Trois issues majeures sur lesquelles nous voulons avoir la main », expliquait en août 2018, Jean-Guy Talamoni Président de l’Assemblée de Corse, dans une interview à l’ancienne version du JDD.

Dans le projet de révision constitutionnelle d’Emmanuel Macron en 2018 (sacrifiée sur l’autel de l’affaire Benalla), était prévu un article spécifique prévoyant « des possibilités de différenciation plus étendues que celles permises dans le cadre constitutionnel en vigueur, y compris en matière fiscale », selon la lecture faite par le Conseil d’État. Pour les autonomistes, le compte n’y était pas, puisque la notion d’autonomie, citée et approuvée ce jeudi par Emmanuel Macron, ne figurait pas dans le texte. Voilà pour la théorie, car dans la pratique, une modification constitutionnelle ne se décrète pas.

Un parcours législatif risqué

Pour modifier la Constitution, il faut que le texte soit voté en des termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat puis adopté à la majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès (l’hypothèse d’un référendum sur le statut de la Corse paraissant hautement improbable). Et c’est là que la tâche se complique pour les autonomistes corses. Car le Sénat, dominé par la droite, est hostile à l’inscription de l’autonomie dans la Constitution.

« Nous ne sommes pas opposés par principe à ce que la Corse figure dans la Constitution pour ancrer sa spécificité territoriale et culturelle. Mais pas n’importe où », a prévenu dans Corse Matin le 25 septembre Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR, expliquant que créer un « titre spécifique » comme évoqué par Emmanuel Macron « signifierait que l’on réserve à la Corse un statut qui serait proche de la Nouvelle-Calédonie ».

Pour l’élu vendéen, les spécificités revendiquées peuvent apparaître dans l’article 72, relatif à l’organisation des collectivités territoriales, mais pas dans un article propre, comme celui promis ce jeudi par Emmanuel Macron. « J’ai donné les raisons pour lesquelles mon groupe s’y opposerait totalement s’il devait y avoir une telle dérive », a-t-il insisté.

Du reste, les élus corses, à qui Emmanuel Macron a confié la tâche de travailler le texte, ont été prévenus sur les réticences du Sénat. « S’il y a évolution institutionnelle, ça n’est pas pour se faire plaisir, c’est parce que nous considérerions collectivement que sans ça, nous ne pouvons pas améliorer la vie des Corses », avertissait sur place Gérald Darmanin le 13 septembre, faisant comprendre aux autonomistes que leur proposition devra être digeste pour la droite sénatoriale, sous peine d’échouer en raison de revendications trop gourmandes sur le plan politique comme symbolique.

« Ce ne sera pas une autonomie contre l’État ni une autonomie sans l’État », a précisé dans son discours Emmanuel Macron. « Le statut d’autonomie que nous appelons de nos vœux s’inscrit au sein de la République française », explique de son côté Gilles Simeoni. À lui et ses homologues corses de convaincre la droite sénatoriale d’aller dans cette direction.

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