Emmanuel Macron giflé: et si cette affaire ravivait le mouvement des gilets jaunes ?

L'agresseur du président français s'est revendiqué des gilets jaunes lors de son procès, ce qui pose la question d'une résurgence de ce mouvement, à un an seulement de l'élection présidentielle.

Jeudi, Damien Tarel, l'homme qui a giflé Emmanuel Macron, a été condamné à quatre mois de prison ferme, et 14 avec sursis. Lors de son procès, il a déclaré qu'au moment de son geste, il s'était senti "investi" par les gilets jaunes. "J'estime que les gilets jaunes et le peuple français s'expriment mais que leur avis nest pas écouté" a-t-il dit.

Interrogé plusieurs fois sur cet acte depuis mardi, le président de la République a désamorcé la question, en répétant que cette gifle était "un acte isolé".

"Je pense que ça ne dit pas quelque chose de plus profond qu'un acte isolé. Il y a eu des moments de très forte tension dans notre pays, de violence, que j'ai eu à vivre comme président au moment de la crise des gilets jaunes. La société n'est pas dans cet état là aujourd'hui", a-t-il assuré jeudi au micro de RMC/BFMTV.

"Il va entrer dans la légende, au même titre que Christophe Dettinger"

Et si cet acte, aussi "isolé" soit-il, soufflait tout de même sur les braises du mouvement des gilets jaunes? S'il n'y a plus de manifestations tous les samedis, et que les ronds-points ne sont plus occupés jours et nuits, les gilets jaunes n'ont pas disparu, comme l'expliquait BFMTV en novembre dernier. Certains se sont réorganisés à l'échelle locale, et plusieurs pages consacrées aux gilets jaunes sont encore actives. Quelques unes ont d'ailleurs partagé les images de la gifle, ainsi que l'annonce de la condamnation de Damien Tarel.

"Et la condamnation de Benalla c'est pour quand?" ou "4 mois pour une gifle et c’est combien pour un œil crevé?", peut-on par exemple lire sur des pages d'internautes se revendiquant des gilets jaunes. Interrogé dès le mardi soir, Jérôme Rodrigues, figure connue des gilets jaunes, a réagi à cette affaire dans l'émission TPMP sur la chaîne C8. Il déclare alors "ne pas excuser, ne pas cautionner, [ce geste] mais peut-être l'expliquer", et évoque le "phénomène de violence que nous subissons depuis pas mal d'années en France".

"Il y a des gilets jaunes qui me disent 'il va entrer dans la légende, au même titre que Christophe Dettinger'" explique ce vendredi sur BFMTV Emmanuelle Anizon, grand reporter à L'Obs, spécialiste des mouvements contestataires. L'homme qu'elle cite, un ancien boxeur, avait été filmé en train de frapper des gendarmes lors d'une manifesations de gilets jaunes à Paris.

"Rien n'autorise à penser qu'il va y avoir une dynamique collective"

Mais ces réactions ne signifient toutefois pas que ce geste va rallumer le mouvement. "Rien n'autorise à penser qu'il va, derrière cet acte individuel, y avoir une dynamique collective", note Christian Le Bart sur BFMTV sociologue et politiologue à l'IEP de Rennes. Il souligne qu'aujourd'hui, beaucoup de monde peut se revendiquer des gilets jaunes, un mouvement "très multiple, très divers". "C'est un peu devenu un label, il n'y a pas d'armature institutionnelle qui puisse inciter à dire qu'on en fait partie ou non, ça va être très ouvert", explique-t-il.

En ce sens, il n'est pas dit que les propos et actes de Damien Tarel soient adoubés par tous.

Il note toutefois dans le comportement de Damien Tarel un "écho au répertoire d'action des gilets jaunes: c'est l'extrême centrement sur la figure présidentielle, cela c'était une des caractéristiques de ce mouvement. C'est-à-dire l'idée de 'Macron démission', le fait de s'en prendre au chef d'État, à la personne des députés, l'espèce de confusion entre le rôle et le titulaire du rôle, le refus des grammaires institutionnelles... C'est un peu la spécificité de ce mouvement et de ce point de vue Damien Tarel, par son geste, s'inscrit un peu dans cette filiation".

Une forme de violence "qui peut très bien exploser dans les mois qui viennent"

Se pourrait-il alors qu'il devienne à son tour un symbole du mouvement gilets jaunes? "Il y a cette dimension là qui est en train potentiellement d'opérer, après il va falloir savoir comment il se comporte lui à la sortie de cette détention, s'il va vouloir endosser ce rôle", explique Emmanuelle Anizon. Déclarant elle aussi que cette gifle ne pourrait être qu'un événement isolé, elle explique également qu'il "y a une forme de violence qui couve qui a été éteinte par cette crise sanitaire, mais qui peut très bien exploser dans les mois qui viennent".

Difficile donc pour le moment de connaître l'incidence réelle de cette gifle sur cette mouvance contestataire, d'autant que les derniers mois de Covid-19 ont mis un coup d'arrêt aux actions des gilets jaunes.

Mais à un an de l'élection présidentielle, le risque d'une reprise des manifestations est bien évidemment craint. Dans une interview au magzine Zadig le mois dernier, évoquant le sujet des gilets jaunes, Emmanuel Macron avait d'ailleurs déclaré qu'il y aura "sans doute d'autres" embrasements en France.

Article original publié sur BFMTV.com

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