Emilie Tran Nguyen (C à vous) : "Pendant le Covid, le racisme anti asiatique a été plus que jamais toléré et décomplexé"

A quel moment il est devenu impossible pour vous de ne pas évoquer ouvertement le racisme anti-asiatique en France ?

Émilie Tran Nguyen. C’est une démarche qui s’est faite progressivement, avant de devenir évidente. Personnellement, je ne me suis jamais définie comme appartenant à telle ou telle communauté. En août 2017, une agression raciste a conduit à la mort du couturier Chaolin Zhang. J’ai été contactée, comme à d’autres personnalités d’origine asiatique, par l’association "Asiatiques de France" qui voulait réaliser un clip pour dénoncer ce drame. Je n’ai pas hésité à participer. Cela nous a permis de nous rencontrer, des journalistes, acteurs, restaurateurs, chanteurs, mais aussi plein d’acteurs de la société civile, Français d’origine asiatique. Ça a été pour moi une prise de conscience. Nous avions tous des histoires différentes, et pourtant les préjugés que nous avions vécus, les clichés, le racisme aussi étaient toujours les mêmes. Et puis je suis devenue maman. L’envie de transmettre mes origines, ma double culture, mon Histoire, s’est faite de plus en plus forte.

Cette prise de conscience est liée à la nouvelle génération. Pourquoi la première a mis tant de temps à se mobiliser contre ce racisme qu'ils subissent depuis des décennies ?

La première génération est celle qui a dû fuir son pays, souvent pour fuir la guerre. Tout quitter du jour au lendemain pour tenter de tout reconstruire dans un nouveau pays, la France. Leur priorité c’était de s’intégrer, de trouver un toit, un emploi, une situation et faire grandir leurs enfants. C’est d’ailleurs l’une des ambitions de mon documentaire : je voulais croiser les regards et être un trait d’union entre les différentes générations qui n’ont pas les mêmes vécus, ressentis, et se sont peut-être éloignées à un moment.

Peut-on dire que c'est l'une des dernières formes de racisme tolérée et décomplexée en France ?

Disons que c’est un racisme dont on parle peu, dont les victimes n’ont que très rarement pris la parole pour le dénoncer. Et que beaucoup voient comme "positif" : nous serions forts en maths, discrets, gentils, travailleurs… Ce qui peut le rendre sournois, encourager les non-dits, voire l’humour. Ce qui n’empêche toute la souffrance qu’il peut engendrer.

Et tout a basculé au moment au moment du Covid…

Le Covid a permis de réaliser l’ampleur des dégâts. Tous les clichés dits positifs ont disparu po...

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