Émeutes à Barcelone : que se passe-t-il en Catalogne ?

Depuis lundi, de véritables scènes de guerre civile ont lieu en Catalogne. Militants indépendantistes et policiers s'affrontent en raison de la condamnation de certains responsables politiques.

Depuis le début de la semaine, manifestants catalans pro-indépendance et forces de l’ordre s’affrontent en Catalogne, suite aux condamnations de certains responsables politiques. Explications.

Les images sont impressionnantes. Depuis lundi, la situation est plus que tendue en Catalogne. Les manifestants pro-indépendance et les forces de l’ordre ne cessent de s’affronter chaque nuit dans différentes villes de la région comme Barcelone, Tarragone, Gérone ou encore Lérida, donnant lieu à de véritables scènes de guérilla urbaine.

Pourquoi ?

La raison ? Neuf leaders indépendantistes catalans ont été condamnés, lundi 14 octobre, à des peines de prison allant de 9 à 13 ans pour sédition, malversation de fonds publics et désobéissance, en raison de la tentative illégale de sécession de la Catalogne, en octobre 2017.

L’ancien vice-président du gouvernement catalan, Oriol Junqueras, de la Gauche républicaine catalane (ERC), a par exemple écopé de treize ans de prison et d’inéligibilité. Dans la foulée, la justice espagnole a lancé un nouveau mandat d'arrêt international contre l'ancien président de Catalogne Carles Puigdemont. Il n’en fallait pas plus pour réveiller le mouvement indépendantiste et raviver les tensions entre une partie de la catalogne et le reste de l’Espagne, moins d’un mois avant les élections législatives.

Réaction immédiate

Quelques minutes seulement après l’annonce de ces peines, des petites manifestations ont commencé à se former dans les rues de Barcelone et d’autres villes pour dénoncer un jugement “injuste” et “antidémocratique”. Quim Torra, le président de la Généralité de Catalogne, a également réagi le jour même en réclamant une “amnistie d’urgence” de toutes les personnes condamnées, avant de déclarer : “Ce verdict est l’héritage de la dictature et non la marque distinctive d’une démocratie”.

Torra avait également appelé le peuple catalan à une désobéissance massive quelques jours avant le procès, n’incitant probablement pas les pro-indépendance à garder leur calme. À peine quelques heures plus tard, des manifestants étaient rassemblés à l’aéroport de Barcelone afin de le bloquer. Les affrontements ont débuté lorsque des militants ont tenté de rompre le cordon policier pour entrer au sein de l’aéroport.

Des nuits agitées

Depuis, toutes les nuits ont donné lieu à des scènes de violences dans les villes de Catalogne, notamment à Barcelone. Alors que ces marches qui attirent plusieurs milliers de personnes sont à l’origine pacifiques, plusieurs centaines de militants aux visages masqués viennent à la tombée de la nuit pour mettre le feu aux barricades, incendier des voitures, jeter des pierres, des bouteilles et des cocktails molotov sur les policiers. Les hélicoptères de la police sont également pris pour cible avec des feux d’artifices.

Christophe Barret, historien et auteur du livre La guerre de Catalogne, tient à souligner que les manifestants sont divisés : “Une grande majorité ne sont pas violents, le mouvement a toujours été pacifiste. Et puis il y a ces groupes ultra-violents que la police a beaucoup de mal à identifier, parce qu’ils sont récents. Ils sont peut-être d’ailleurs liés aux dirigeants indépendantistes, mais on ne peut pas en être sûr parce que si c’était le cas, ça mettrait en danger leur position au sein du gouvernement catalan.”

“Quim Torra a une banderole dans une main et une matraque dans l’autre”

Quim Torra a pris pour la première fois la parole dans la nuit de mercredi à jeudi : “Nous ne pouvons pas permettre les incidents que nous voyons dans les rues… Cela doit s’arrêter immédiatement”, avant d’ajouter : “Il est normal et il est bon que nous protestions contre une sentence injuste et aberrante”.

Une réaction tardive, selon Christophe Barret : “Quim Torra a trop attendu avant de parler. Il est dans une position ambiguë. Il a participé à une réunion en Suisse, il y a quelques semaines, où serait sortie la décision d’organiser quelques actions semi-clandestines ou coordonnées de manière très opaques, comme celles qui sont en train de se dérouler. Comme on dit en Espagne, il a une banderole dans une main et une matraque dans l’autre, parce qu’il est quand même le chef du gouvernement qui est censé maintenir l’ordre avec la police régionale. Son attitude est irresponsable”.

Que veulent les manifestants ?

Les manifestants attendant une libération de ceux qu’ils appellent “les prisonniers politiques” mais aussi l’indépendance. Cependant, cela semble impossible dans les jours à venir, comme l’historien et écrivain l’a confié à Yahoo Actualités : “C’est impossible que cela se produise dans l’immédiat, comme l’Espagne est en pleine période électorale. Les élections législatives ont lieu le 10 novembre, et tant qu’elles n’auront pas eu lieu, aucun parti espagnol ne voudra céder ni faire une amnistie, chose envisageable que les manifestants attendent. Le dialogue sera très difficile à renouer tant que les manifestants n’auront pas obtenu cela.”

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