Elu à Pau, Bayrou veut à nouveau peser dans le débat politique

PARIS (Reuters) - François Bayrou, promis par ses détracteurs de droite comme de gauche à une mort politique, a repris pied sur la scène nationale en conquérant dimanche la mairie de Pau, dirigée depuis 43 ans par la gauche. Le "phénix du Béarn", qui en était à sa troisième tentative dans la capitale béarnaise après deux échecs en 1989 et 2008, a été élu avec 62,95% des voix face au député socialiste David Habib (37,05%), selon les résultats définitifs. Le président du MoDem a bénéficié dans l'entre-deux-tours du retrait de l'ancien socialiste et ancien maire (2006-2008) Yves Urieta, sans étiquette, qui avait obtenu 13,21% au premier tour. Le "troisième homme" de la présidentielle de 2007 (près de 6,9 millions de Français avaient voté pour lui), qui n'avait plus aucun mandat électif, avait pris soin de mener une campagne locale mais ses récentes critiques envers François Hollande témoignent de sa volonté de peser à nouveau dans le débat politique. L'ancien ministre de l'Education nationale de Jacques Chirac avait voté à titre personnel pour François Hollande en 2012, mais il avait commencé à prendre ses distances à l'été 2013, lors du rapprochement de son parti, exsangue, avec l'UDI de Jean-Louis Borloo. En septembre dernier, il avait proclamé être "dans l'opposition" et avait dénoncé "un président sans vision". Vendredi, François Bayrou a fait part sur Sud Radio d'"un sentiment de déception très grande, un sentiment d'avoir été abusés, d'être pris pour des imbéciles" près de deux ans après l'arrivée des socialistes au pouvoir. "TRAHISON" L'UMP, néanmoins, ne lui pardonne pas sa "trahison" et ses violentes attaques contre Nicolas Sarkozy durant son mandat. Le candidat UMP local, Eric Saubatte, avait fusionné sa liste avec la sienne avant le premier tour contre l'avis des instances nationales. Seul l'ancien Premier ministre UMP Alain Juppé, dont il est proche, était venu soutenir François Bayrou à Pau. L'étoile du maire de Bordeaux, réélu triomphalement, brillant d'un éclat nouveau dans la galaxie des présidentiables à droite, le dirigeant centriste a amorcé un rapprochement en vue de 2017 qui n'a pas été du goût de l'intéressé. François Bayrou, qui s'est présenté trois fois à l'élection présidentielle, a assuré le 19 mars qu'il ne concourrait ni à la présidentielle, ni aux législatives, ni aux européennes. Il a évoqué la nécessité de "regroupements d'intérêt national" après avoir glissé lors de la campagne du premier tour que "soutenir Juppé en 2017 [était] une idée plausible". Des médias ont alors fait état d'un "pacte" en gestation. Le nouveau maire de Pau s'est attiré une réplique sans appel d'Alain Juppé : "Je remercie François Bayrou de sa sollicitude, mais c'est moi qui décide de ce que je fais". Des responsables de l'UMP, dont son président Jean-François Copé, déclarent attendre du centriste l'expression publique d'"un regret" pour son positionnement de 2012. Difficile à envisager de la part du Béarnais, réputé pour son tempérament de "cabourut" ("tête dure" en béarnais). Le président du MoDem a une maxime : "Il y a une grande règle en politique : quand vous ne savez pas quoi faire, demandez-vous ce que vos adversaires aimeraient que vous fassiez, et faites le contraire". (Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)