Elsa Zylberstein : « J’espère que le droit à l’avortement sera inscrit dans la Constitution »

Potrait of Elsa Zylberstein
Anoush Abrar Potrait of Elsa Zylberstein

CINEMA - Cela fait dix ans que l’idée d’incarner Simone Veil dans un biopic est née dans la tête d’Elsa Zylberstein. Mais on se dit que Simone, le voyage du siècle n’aurait pas pu sortir à un meilleur moment qu’en cet automne 2022. Car tandis que plus d’1,2 million de spectateurs français ont (re) découvert sur grand écran le destin « exceptionnel » de celle à qui l’on doit la loi de 1975 relative à l’IVG en France, ce droit fondamental est remis en cause aux États-Unis, mais aussi en Italie ou en Pologne.

Après le recul historique de la Cour suprême sur l’arrêt Roe w. Wade qui a depuis permis à 12 États américains d’interdire l’avortement et auquel l’actrice française a assisté « flippée de voir qu’un tel retour en arrière était possible », Joe Biden a fait de la garantie du droit à l’IVG le fer de lance de la campagne des démocrates pour les élections de mi-mandat, les midterms, qui se tiennent ce mardi 8 novembre.

Et le lendemain, ce mercredi 9 novembre, c’est de notre côté de l’Atlantique, que les députés macronistes présentent devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale leur projet d’inscrire l’avortement dans la Constitution française. Mi-octobre, le Sénat à majorité de droite s’était opposé à une proposition de loi transpartisane visant à inscrire le droit à l’IVG et à la contraception dans la Constitution, soutenue par le gouvernement.

« J’espère que le droit à l’IVG sera inscrit dans la Constitution française, comme quelque chose de fondamental pour les droits des femmes et de leurs corps », réagit sans hésiter Elsa Zylberstein que Le HuffPost a rencontrée dans un hôtel parisien en ce début du mois de novembre. À l’écran, elle incarne Simone Veil sur plus de 50 ans de vie et dans les innombrables combats qu’elle a menés après son retour de déportation : des droits des femmes à des détenus dans les prisons françaises et algériennes, sa lutte contre le Sida et sa fervente défense d’une construction européenne.

« Tous les combats de Simone sont remis en cause tout le temps et on se demande : qu’est-ce qu’on apprend de l’Histoire »

Le fameux discours de novembre 1974 à l’Assemblée nationale de celle qui, alors ministre de la Santé, défend son projet de loi encadrant une dépénalisation de l’avortement est une des scènes d’ouverture du long-métrage réalisé par Olivier Dahan. Et trois ans après le tournage, la comédienne en connaît encore les moindres mots. « Aucune femme ne recourra de gaîté de cœur à un avortement », cite Elsa Zylberstein qui comme Simone Veil est convaincue que « l’avortement est un drame et restera toujours un drame » mais qui doit « rester un choix extrêmement personnel de chaque femme ».

Aujourd’hui, elle s’inquiète de voir cet « acquis social fondamental » remis en cause aux États-Unis, mais aussi en Europe, aux portes de la France. « J’ai halluciné cet été de voir que les États américains, les uns après les autres, revenaient en arrière sur l’avortement », raconte-t-elle, avant d’évoquer aussi l’interdiction quasi-totale en Pologne ou l’élection en Italie de Giorgia Meloni, femme politique d’extrême droite qui s’est déclarée contre l’avortement.

« Cette décision américaine entraîne des répercussions importantes pour l’ensemble du monde. Elle envoie un signal dangereux qui conforte les partisans des mouvements anti-IVG », réagissait notamment le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes après le vote de la Cour suprême aux États-Unis.

« Tous les combats de Simone sont remis en cause tout le temps et on se demande : qu’est-ce qu’on apprend de l’Histoire ? Les lignes bougent tellement dans le monde et c’est angoissant », avoue-t-elle, sidérée de voir qu’il y a « une partie du monde qui se bat pour les droits des femmes d’une manière folle, où les femmes prennent la parole, disent leur souffrance. Et dans une autre partie du monde, on tue une femme pour un cheveu qui dépasse. Comment on en est arrivés là en 2022 ? »

« Ce film peut être politique dans le sens où il a le pouvoir d’ouvrir le débat »

Désormais, l’actrice qu’on a aussi vue dans Bigbug ou Tout nous sourit s’est fait « une obsession » d’aller à Washington pour parler des droits des femmes et peut-être même « montrer le film à Kamala Harris » avant qu’il ne sorte en salles aux États-Unis en début d’année 2023. Car si elle était « à mille lieues de penser » que Simone, le voyage du siècle aurait un tel écho avec l’actualité, Elsa Zylberstein a maintenant une extrême conscience du rôle politique que peut jouer ce film.

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2020 - Marvelous Productions - France 2 Cinéma - France 3 Cinéma

« Ce film peut être politique dans le sens où il a le pouvoir d’ouvrir le débat. Je disais toujours, mais sans trop le mesurer, que la transmission par le cinéma est incroyable. Mais je n’avais encore jamais fait de film avec cette portée-là », souffle-t-elle, elle-même marquée par les films L’Événement d’Audrey Diwan (2021) adapté du récit d’Annie Ernaux, ou Vera Drake du réalisateur Mike Leigh (2004) sur une avorteuse bénévole à Londres dans les années 1950.

Depuis la sortie du film, bien parti pour passer le cap des 2 millions d’entrées cette année, la comédienne reçoit « 90 lettres par jour, d’une beauté dingue » de personnes entre 14 et 80 ans, principalement des femmes, auxquelles elle répond consciencieusement. Alors qu’on poursuit notre entretien, ce qu’Elsa Zylberstein nous décrit se matérialise sous nos yeux : un père nous interrompt, sa fille de 14 ans est juste à côté, un peu fébrile, elle a été « bouleversée » par le film et rêve d’une photo avec l’actrice. « Vous voyez ? Je ne vous ai pas menti  », sourit notre interlocutrice.

« Je crois qu’avec ce rôle, j’ai comme pris une sorte de responsabilité sociale. Plus j’avance, plus j’ai envie de faire des films qui ont un sens, des films sur des femmes guerrières, combattantes », promet-elle. Et si la comédienne a « toujours cru au pouvoir de la beauté et de l’art pour transformer les mentalités », elle a désormais aussi pris la mesure de celui qu’a une actrice.

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