Elsa Lévy, victime d’un viol à l’âge de 8 ans : “J'ai l'image de ce médecin qui m'embrasse, qui enlève ma culotte”

Alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, Elsa Lévy se fait violer par son médecin traitant. Un acte irréparable et hautement condamnable qui va la plonger dans une profonde amnésie. Au total, il lui faudra 30 ans pour se souvenir de ce drame qui l’a empêchée de grandir sereinement. Pour Yahoo, elle a accepté de se livrer sur son histoire, revenant sur ce traumatisme, sur ses conséquences et sur son actuel combat pour en finir avec la loi du silence et de l’impunité. Un témoignage bouleversant.

Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.

Elle est sortie de 30 ans d’amnésie. Une amnésie traumatique. Victime d’un viol à l’âge de huit ans, Elsa Levy a récemment retrouvé la mémoire après avoir été rongée par de terribles angoisses pendant de longues années. Un véritable raz-de-marée dans la vie de cette jeune femme. Autrice de l’ouvrage “Je n’oublierai jamais” (ed. City), la trentenaire a accepté pour Yahoo de se livrer sur son histoire, revenant notamment sur ses longues années de souffrance, sans en connaître la véritable raison, et sur la manière dont elle s’est rappelée de ce drame.

“Pendant 30 ans, je n’avais aucune idée de ce que j’avais pu vivre”

Sans comprendre pourquoi, Elsa change du tout au tout à l’âge de huit ans. À partir de là, la jeune fille ressent “un mal-être profond” mais ne parvient pas à identifier l’origine de ce mal. Comme elle le raconte, elle vient d’un milieu favorisé, a énormément voyagé, n’a aucune névrose et n’a jamais été harcelée. Autant de facteurs qui devraient lui permettre de se sentir bien dans sa tête et dans sa peau. Mais rien n'y fait, elle n'y parvient pas. En réalité, Elsa a vécu à l’âge de ses huit ans un abus sexuel par son médecin. “Pendant 30 ans, je n’avais aucune idée de ce que j’avais pu vivre. À aucun moment, ça aurait pu me traverser l’esprit”, même si plusieurs indices auraient pu lui mettre la puce à l’oreille (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).

Son rapport aux enfants est tout d’abord compliqué. “Je n’ai jamais aimé avoir un enfant nu près de moi. Aussi, j’avais pour habitude de prévenir tout le monde de potentiels pédocriminels dans les parages”, confie-t-elle tout en expliquant être passée pour “quelqu’un de parano” à plusieurs reprises sans aucune raison de l’être. En parallèle de tout ça, Elsa demande à ses parents qu’on ne la touche plus et qu’on ne lui fasse plus aucun bisou. “Je pense que c’est un signal extrêmement fort qui ne laisserait pas indifférent la plupart des parents aujourd’hui”. Enfin, la trentenaire se rappelle avoir également demandé à ses parents de l’appeler par son deuxième prénom. “Elsa, je voulais qu’elle disparaisse”.

Le temps passe et Elsa évolue, toujours avec cette sensation permanente de mal-être. Une sensation qui va, au cours d’une soirée, se décupler. Elsa a alors 31 ans. Cette soirée-là, de manière complètement irrationnelle, “j’ai l’haleine de ce médecin dans ma bouche qui apparaît”, une odeur émise par son propre corps. Puis, une fois couchée, c’est le choc. “Tout se projette devant moi”, des images en lien avec un médecin, des images de cabinet médical, de blouse, de carrelage. “J’avais peur de fermer les yeux pour voir ce que mon souvenir me montrait. J’avais peur de les garder ouverts”.

Si les images sont floues de prime abord, elles se précisent à mesure que les secondes passent. “Je revis ce moment où je me retrouve seule dans le cabinet médical de mon médecin traitant. J'ai l'image de ce médecin qui m'embrasse, qui enlève ma culotte”, se remémore-t-elle, toujours emprunt d’émotion. “Je me rappelle me dire que quelque chose entre en moi. Je sais que c'est quelque chose de pas bien mais je ne suis pas en capacité de l'identifier comme quelque chose d'aussi grave que cela ne l’est en réalité. Je n'ai pas les mots et je pense que c'est ce qui fait que le cerveau bascule dans le désir d'oublier”. Confiant avoir quitté le monde de l’enfance ce jour-là, elle explique avoir vécu pendant toutes ces années dans une sorte de “prison”. Spectatrice de sa propre vie, elle confie n’avoir jamais été réellement décisionnaire de quoi que ce soit pendant toute cette période.

“Un abus sexuel sur mineur, ce n'est pas un petit délit, c'est un crime, c'est irréparable"

À la suite de cette révélation, Elsa mène l’enquête avec pour seul document, son carnet de santé. Après avoir retrouvé le nom de son agresseur, elle essaie donc de savoir, par le biais d’Internet, si cette personne consulte encore. Et ce, “pour être sûre qu’il n’y ait pas d’autres enfants potentiellement en danger”. À son grand soulagement, le cabinet avait fermé ses portes depuis dix ans.

“Violer un enfant, c'est vraiment le détruire. C’est bousiller son avenir, c'est-à-dire empêcher qu'il devienne un adulte”, rappelle-t-elle tout en expliquant ne pas avoir voulu se rendre sur le terrain judiciaire. “La réponse pénale est très décourageante. De plus, je ne suis pas dans un état de haine ou de vengeance”. Comme elle l’explique, sa réparation ne se joue pas là. Elle n’a pas envie d’être celle qui détruira “la vie de plein de gens”. “Peut-être qu'il a des enfants, peut-être qu'il a une femme, peut-être qu'il a une vie et lui, individuellement, va faire des dégâts collatéraux tellement immenses que je ne suis pas sûre que moi, ça m’aide”.

Elsa préfère donc se concentrer sur le problème universel. “Je suis en colère et dans l'incompréhension de voir que rien ne bouge. Sur l'enfance et la pédocriminalité, nous sommes en-dessous de tout. Fondamentalement, il n'y a pas de prise de conscience”, explique-t-elle tout en rappelant qu'un abus sexuel sur mineur, "ce n'est pas un petit délit, ce n'est pas un problème qui va se réparer. C'est un crime, c'est irréparable et c’est tellement grave”.

Retrouvez l'intégralité de l'interview d'Elsa Lévy