Telecom Italia: Elliott intensifie sa campagne contre Vivendi

par Agnieszka Flak

MILAN (Reuters) - Le fonds activiste Elliott Advisors a écrit aux autres actionnaires de Telecom Italia pour plaider en faveur de la désignation d'un conseil d'administration "vraiment indépendant" afin de changer la façon dont l'opérateur est géré par son principal actionnaire, le français Vivendi.

"(La) piètre direction du conseil contrôlé par Vivendi s'est traduite par des problèmes de gouvernance profondément troublants, un écart de valorisation et des échecs stratégiques", écrit Elliott, qui dit détenir désormais plus de 3% des actions ordinaires de Telecom Italia (TIM).

A travers différents instruments financiers, sa participation dépasse 5%.

L'action TIM a perdu plus d'un tiers de sa valeur depuis que Vivendi est entré à son capital mi-2015 avant de progressivement raffermir son emprise sur l'opérateur italien, dont il a désigné le nouvel administrateur délégué, Amos Genish.

Le groupe français, qui contrôle désormais 24% du capital de l'opérateur, a ensuite choisi deux tiers du conseil d'administration et placé à sa présidence son propre président du directoire, Arnaud de Puyfontaine, faisant naître des inquiétudes chez les autres actionnaires et au sein de la classe politique italienne qui considère TIM comme un groupe d'importance stratégique pour le pays.

Elliott a déjà proposé de remplacer certains administrateurs nommés par Vivendi, dont Arnaud de Puyfontaine, par des personnalités connues du monde des affaires en Italie.

Les actionnaires se prononceront lors d'une assemblée générale prévue le 24 avril.

Pour faire le poids contre Vivendi, Elliott est engagé dans une offensive de charme vis-à-vis de certains des plus importants investisseurs d'Italie et d'ailleurs. Mais malgré une certaine déception à l'égard de Vivendi, le soutien des fonds n'est pas acquis, rapportent deux sources proches du dossier.

"Il nous faut du temps pour étudier les demandes d'Elliott (...) la grande question sera celle de la gouvernance qui est clairement faible", dit un investisseur d'un grand fonds italien.

Les fonds sont également curieux de voir ce que fera le nouvel administrateur délégué mis en place par Vivendi, qui a une longue expérience en tant que dirigeant dans le secteur.

Vivendi a répondu vendredi qu'il allait "regarder avec un esprit d’ouverture les commentaires d’Elliott, hedge fund bien connu pour ses initiatives court-termistes".

"Pour autant, il n’est pas sûr que le projet de démantèlement et de déstabilisation de l’équipe crée de la valeur alors que le plan industriel proposé par Amos Genish et ses équipes est solide et prometteur", ajoute Vivendi.

ELLIOTT PRÔNE LA DILUTION DE FAIT DE LA PART DE VIVENDI

Dans sa lettre aux actionnaires, Elliott annonce qu'il demanderait à un conseil d'administration renouvelé de convertir plus de six milliards d'actions d'épargne en actions ordinaires, une initiative qui permettrait de lever des fonds et de réduire l'endettement de Telecom Italia.

Vivendi s'est déjà opposé fin 2015 à une opération de ce type qui diluerait sa participation dans l'opérateur pour la ramener à environ 17%.

Elliott prône aussi une cotation en Bourse ou une vente partielle du réseau de Telecom Italia, que le groupe s'apprête à séparer du reste de ses activités en le plaçant dans une nouvelle entité baptisée NetCo. Il propose aussi une cession totale ou partielle du réseau sous-marin Sparkle.

TIM approuve l'idée d'une scission de ces actifs mais a déclaré qu'il comptait conserver le contrôle intégral de NetCo.

"Nous pensons qu'élargir le registre des actions de NetCo créerait de la valeur pour les actionnaires de TIM et pourrait accélérer la création d'un réseau national unique", écrit le fonds activiste.

Toute initiative chez NetCo ou Sparkle réclamerait le soutien de l'Etat sachant que ces actifs sont considérés comme étant d'importance stratégique pour l'Italie.

Cet obstacle serait levé si l'établissement public italien Cassa Depositi i Prestiti (CDP) devenait actionnaire - une option envisagée par Elliott, selon les deux sources.

CDP deviendrait automatiquement actionnaire si NetCo devait fusionner avec son concurrent Open Fiber, concurrent de TIM dans le haut débit détenu par le groupe de service collectifs Enel et CDP, une idée qui plaît à certains politiciens.

Dans sa présentation la semaine dernière, Amos Genish n'a encore une fois pas exclu une conversion d'actions, le versement de dividendes, ni la cession d'une part de NetCo à l'avenir mais il a souligné qu'une telle initiative devait être prise au bon moment afin de ne pas compromettre la santé financière de TIM.

Si Elliott faisait pression pour obtenir des changements radicaux immédiatement, l'administrateur délégué pourrait avoir du mal à rester en place, rapporte une source.

Elliott incite également TIM à reprendre le versement du dividende suspendu depuis 2012.

Dans sa lettre, le fonds activiste critique les initiatives prises par Vivendi à la tête de Telecom Italia en accusant le groupe français d'exercer un "contrôle sans égard pour les intérêts divergents des actionnaires minoritaires".

Il songe notamment au projet de coentreprise entre TIM et Canal+, filiale de TV payante de Vivendi, désormais suspendu en raison de l'opposition de certains membres du conseil d'administration, et à des soupçons de conflits d'intérêts parmi certains administrateurs désignés par le groupe français.

Elliott réaffirme qu'il ne souhaite pas prendre le contrôle de TIM, seulement favoriser le changement au sein de l'opérateur.

L'action TIM à Milan prend 0,42% et le titre Vivendi à Paris perd 0,28%.

(Agnieszka Flak, Bertrand Boucey et Juliette Rouillon pour le service français)