Eliud Kipchoge court pour "faire avancer la grande famille humaine"
L'athlète kényan Eliud Kipchoge est devenu une légende vivante du sport au cours des vingt dernières années et il ne semble pas vouloir s'arrêter, ni ralentir. Mais il se trouve aujourd'hui sur une voie inhabituelle, celle du come-back, après que son dernier record du marathon a été battu. Nous l'avons rencontré à Oviedo en Espagne alors qu'il s'est vu attribuer le prix Princesse des Asturies 2023 pour le sport.
Tokunbo Salako, Euronews :
"Tout d'abord, bravo pour votre prix Princesse des Asturies pour le sport. Qu'avez-vous ressenti en apprenant la nouvelle ?"
Eliud Kipchoge, prix Princesse des Asturies pour le sport :
"J'ai été vraiment touché d'apprendre que je faisais partie des rares personnes à être récompensées, surtout dans mon domaine, le sport, et plus particulièrement la course à pied."
Tokunbo Salako :
"On a dit de vous que vous êtes un cadeau pour le sport, un cadeau pour l'humanité. Certains disent que vous êtes le mariage parfait entre le corps et l'esprit, un athlète idéal. Que ressentez-vous quand vous entendez ce type de description à propos de vous et de votre brillante carrière ?"
Eliud Kipchoge :
"Cela me motive beaucoup. Je me sens inspiré par le fait que j'ai été, d'une manière ou d'une autre, épargné dans ce monde. Vous savez, nous vivons tous sur cette planète et cette planète nous appartient à tous. Il faut inspirer chacun dans ce monde. Nous devons vivre en harmonie, en paix et profiter de la vie qui nous est offerte dans ce monde. Et c'est dans ce but que je veux travailler."
"Plus je m'améliore, plus j'envoie de bonnes ondes aux enfants"
Tokunbo Salako :
"Est-ce là le secret de votre réussite, ce désir d'inspirer les autres ? Parce que vous avez été au sommet pendant 20 ans. Quel que soit le domaine, c'est remarquable."
Eliud Kipchoge :
"Pour moi, la véritable réussite, c'est la maîtrise de ce que vous faites - dans mon cas, la maîtrise que je peux avoir dans la course à pied -. Je me rends compte que plus je m'améliore, plus j'inspire les autres. Plus je m'améliore, plus j'envoie de bonnes ondes aux enfants. Plus je m'améliore, plus je pourrais inciter quelqu'un à sortir de chez lui le matin et à commencer à courir pour lui-même."
Tokunbo Salako :
"Vous êtes connu pour vos titres olympiques, vos titres de champion du monde et vos records de marathon. En 2019, vous avez été la première personne de l'histoire à courir un marathon en moins de 2 heures. Qu'avez-vous ressenti ?"
Eliud Kipchoge :
"C'est formidable d'entrer dans l'histoire en battant ce record. Cela montre qu'il n'y a pas de limite pour l'humanité. C'est pour cela que je dis toujours qu'il n'existe aucune limite pour l'être humain. Je montre aux gens qu'il n'est pas nécessaire d'être un coureur professionnel pour dépasser ses limites. Vous pouvez être enseignant, pédagogue, ingénieur ou avocat, mais vous devez briser votre propre cercle de limites dans ce monde pour profiter de la vie. La vie, c'est se lancer des défis, c'est se reposer la nuit, se lever le matin avec une nouvelle journée devant soi et un nouveau défi, le relever et aller de l'avant."
"Il s'agit d'écrire l'histoire et d'apporter un changement dans ce monde"
Tokunbo Salako :
"C'est un message extrêmement motivant. Mais qu'avez-vous ressenti après l'obtention de ce record et le refus des autorités athlétiques mondiales de le reconnaître ?"
Eliud Kipchoge :
"Je ne courais pas pour les instances de l'athlétisme. Je courais pour faire avancer la grande famille humaine et je faisais confiance aux milliards d'êtres humains pour qu'ils respectent ce que je faisais. Il ne s'agit pas d'être récompensé en tant que détenteur d'un record, il s'agit d'écrire l'histoire et d'apporter un changement dans ce monde. Je suis heureux d'être entré dans l'histoire de ce sport, d'avoir montré aux gens que rien n'est figé dans ce monde et d'avoir donné un peu d'inspiration à des milliards de personnes à travers la planète."
Ces "super-chaussures" qui "permettent de prendre soin de ses muscles"
Tokunbo Salako :
"Si cela n'a pas été sans controverse, c'est en partie à cause des "super-chaussures" que de nombreux athlètes ont portées ces dernières années, en battant des records. Votre propre record de marathon a été battu au début du mois. Avez-vous l'intention de le reconquérir ?"
Eliud Kipchoge :
"J'ai toujours envie de courir vite, de montrer au monde que je peux courir vite et de montrer à la prochaine génération, aux enfants, que je peux encore courir plus longtemps. La longévité est la clé dans le sport, comme dans n'importe quelle profession. Et vous savez, les records sont là pour être battus. Cela montre la beauté du sport et le fait que quelqu'un, quelque part, travaille pour le battre."
Tokunbo Salako :
"Pour ceux qui ne connaissent pas ces "super-chaussures". Pouvez-vous nous en dire un peu plus à leur propos et sur leur fonctionnement ?"
Eliud Kipchoge :
"Les "super-chaussures" empêchent l'impact réel de l'asphalte sur vos muscles. L'objectif, quand on court, c'est de prendre soin de ses muscles. Le but des gens des marques, c'est de vous aider à être en bonne forme physique tout en prenant soin de vos muscles."
Une fondation centrée sur "l'éducation et la protection de notre planète"
Tokunbo Salako :
"Quittons la piste et la route, à présent. Comment gérez-vous la célébrité et la fortune ?"
Eliud Kipchoge :
"Tout d'abord, je me vois comme n'importe quel être humain. Je sais que la gloire et la fortune sont des choses - non pas à espérer -, mais à prendre quand elles se présentent. Je dis merci pour la célébrité et la fortune et je les utilise pour inspirer les jeunes."
Tokunbo Salako :
"Je sais que vous avez investi une grande partie de votre notoriété et de votre fortune dans votre fondation. Parlez-nous de cette fondation, de ses débuts, de ses objectifs et de ses réalisations."
Eliud Kipchoge :
"Un jour, j'étais en train de penser à mes origines [ndlr : kényanes] et au fait que nous avions des problèmes d'accès à l'éducation. J'ai réalisé que ce qui nous empêche de nous épanouir, c'est le manque de moyens. C'est cela qui pourrait nous permettre d'accéder à une bonne éducation. Je sais aussi qu'en sport, nous avons besoin d'un bon air. Deux choses me sont donc venues à l'esprit : la préservation de l'environnement et l'éducation. J'ai donc créé la fondation Eliud Kipchoge qui s'occupe exclusivement de ces deux aspects : l'éducation et la protection de notre planète. Je suis convaincu que si nous prenons soin de notre environnement, nos eaux seront bleues et notre air sera pur. J'ai confiance dans le fait que l'éducation est la clé pour faire avancer le sport et qu'elle permet de donner des opportunités dans ce monde. Je suis convaincu que l'éducation est ce qui nous permet d'entrer en relation avec les autres, de développer une conscience et de contribuer à pacifier ce monde. C'est pour cela que ma fondation crée des jardins d'enfants et des bibliothèques fréquentées par les jeunes enfants, parce qu'il faut leur donner de bonnes bases. Quand vous avez une bibliothèque remplie de livres, j'ai confiance dans le savoir des livres pour que les enfants puissent acquérir des connaissances."
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"Faire de ce monde, un monde qui court"
Tokunbo Salako :
"Pour finir, nous avons déjà parlé du record que vous visez. Quelles sont vos ambitions pour l'avenir ?"
Eliud Kipchoge :
"Mon ambition pour l'avenir, c'est de faire de ce monde, un monde qui court. Je suis convaincu que si nous pouvions tous courir, nous pourrions rendre ce monde meilleur. Nous pouvons nous unir et profiter de ce monde."