Sous El Niño, le monde va certainement battre des records de températures

Selon les prévisions de l’OMM ce mardi 11 avril, El Nino a une chance sur deux de se développer d’ici fin 2023. (Tempête générée par El Nino en Californie, 2016.)
Selon les prévisions de l’OMM ce mardi 11 avril, El Nino a une chance sur deux de se développer d’ici fin 2023. (Tempête générée par El Nino en Californie, 2016.)

CLIMAT - 2022 a été caniculaire, mais les étés 2023 et 2024 pourraient être bien pires. Et cela à cause d’un coupable : El Niño. Comme l’ONU l’a annoncé ce mercredi 3 mai, le phénomène météorologique a effectivement de fortes probabilités de se former cette année et pourrait faire grimper les températures jusqu’à battre de nouveaux records de chaleur.

El Niño, qui fait grimper la température de l’océan Pacifique, réchauffant ainsi le climat mondial et augmentant le risque d’événements extrêmes à travers la planète, a 60 % de chances de se développer d’ici la fin juillet et 80 % de chances d’ici la fin septembre, selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM).

« Le développement d’El Nino conduira très probablement à un nouveau pic du réchauffement mondial et augmentera les chances de battre des records de température », a récemment averti Petteri Taalas, le patron de l’OMM.

Que sait-on d’El Niño ? Quelles conséquences pour le climat mondial ? Touche-t-il tous les continents de la même manière ? Le HuffPost fait le point.

Qu’est-ce que ce phénomène ?

« El Niño » a été nommé ainsi au XIXe siècle par des marins péruviens qui avaient constaté un courant chaud à la période de Noël. En référence à Jésus, ils lui ont donné le nom d’El Niño (le petit garçon en espagnol).

Ce phénomène climatique se manifeste par un réchauffement de l’océan Pacifique tropical, le long des côtes de l’Amérique du Sud, et un affaiblissement ou une disparition des alizés (vent soufflant d’est en ouest dans la zone intertropicale, ndlr). Cela a des conséquences en cascade : les eaux frontalières à l’Australie et l’Asie sont plus froides, provoquant des sécheresses, des ouragans se forment au milieu du Pacifique, les eaux de la côte américaine se réchauffent entraînant une hausse des précipitations, note le média Futura.

El Nino alterne tous les 2 à 7 ans avec son opposé La Nina, un phénomène qui a, au contraire, tendance à faire baisser la température des océans et qui sévit depuis 2020.

Quelles sont les conséquences d’El Niño sur le climat ?

Le retour d’El Niño va affecter le climat mondial dans son ensemble et « risque d’alimenter un nouveau pic des températures mondiales », prévient Petteri Taalas, le secrétaire général de l’OMM. Mais toutes les régions ne seront pas touchées de la même manière.

Le continent américain risque d’être durement frappé. Les pluies torrentielles et les chutes spectaculaires de neige vues en Californie cet hiver pourraient être encore plus intenses sous El Niño. En Amérique du Sud, le phénomène pourrait provoquer des inondations au Pérou ou en Équateur, et des épisodes de sécheresse en Colombie notamment. Un déficit d’eau dans certains pays d’Amérique centrale et du Sud devrait également assécher gravement la forêt amazonienne.

Dans d’autres régions du monde, El Niño pourrait amplifier les sécheresses, les vagues de chaleur intense et les incendies. En Inde par exemple, la mousson pourrait être affaiblie. Les précipitations qu’elle apporte sont essentielles au pays pour remplir ses aquifères et cultiver ses terres, abondent encore les scientifiques interrogés par CNN. L’Australie connaîtrait un climat beaucoup plus et sec, faisant craindre une saison des feux de brousse particulièrement destructrice. La période de transition entre La Nina et El Niño pourrait aussi provoquer inondations et sécheresses dans la Corne de l’Afrique, alerte Eric Guilyardi, océanographe au CNRS et président de l’Office for Climate Education, à Ouest France.

Et la France ? L’Hexagone sera sans doute moins exposé au phénomène, qui affecte davantage les régions tropicales et subtropicales ; cela signifie aussi que certains territoires d’outre-mer dans les régions citées plus haut pourraient être plus durement concernés.

Le prochain El Niño sera-t-il pire que les précédents ?

Avec El Niño, la Terre pourrait franchir temporairement, dès 2024, la barre symbolique des +1,5 degré par rapport à 1900. Un épisode El Nino particulièrement fort pourrait ainsi nous éloigner encore un peu plus des objectifs de l’Accord de Paris de 2015. Cette augmentation est vue comme un point de bascule, au-delà duquel les risques d’inondations extrêmes, de sécheresse, d’incendies de forêt et de pénuries alimentaires pourraient augmenter considérablement.

« En 2024, nous aurons probablement l’année la plus chaude jamais enregistrée au niveau mondial », estime de son côté Josef Ludescher, scientifique principal à l’Institut de Potsdam pour la recherche sur les incidences du climat, à CNN.

Certains modèles climatiques internationaux évoquent aussi la possibilité d’un « super El Niño » en 2023. Le dernier du genre, en 2016, a contribué à porter les températures mondiales au niveau le plus élevé jamais enregistré, rappelle The Guardian. Il a également été associé à des inondations en Amérique centrale, au retard de la mousson en Inde, et à des épidémies de choléra et de dengue en Afrique. Mais le docteur Mike McPhaden, chercheur à l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOACC) rassure néanmoins sur l’épisode 2023. Selon lui, les El Niño « extrêmes » se produisent tous les 10 à 15 ans ; il serait donc « très inhabituel » d’en voir un si tôt après 2016.

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