Ecrire

L’entrée au lycée s’accompagne souvent d’un arrêt brutal de la lecture, du moins de la lecture par plaisir, y compris pour des élèves jusque-là gros dévoreurs de romans. Les sociologues de la culture le savent depuis longtemps et pointent, entre autres facteurs décisifs, le passage de la rédaction à la dissertation. Au collège, la littérature prend encore en partie (même si insuffisamment) la forme d’une pratique ; au lycée, elle se réduit vite à un simple objet d’étude, froid et patrimonial, souvent intimidant et provoquant chez nombre d’élèves une réaction de rejet ou d’indifférence. Dans ces conditions, il faut saluer l’aventure proposée par le lycée Alfred-Nobel de Clichy-sous-Bois à un écrivain rare et précieux, Tanguy Viel, invité au long d’une année à écrire avec des élèves. De plus en plus nombreuses mais encore trop discrètes et surtout inégalement réparties sur le territoire, les expériences de ce type mériteraient d’être généralisées, en imaginant, par exemple, que chaque lycée accueille en permanence un écrivain en résidence. Ce que montre avec force ce projet piloté par un romancier devenu pédagogue, c’est combien la littérature, et au premier chef la fiction, s’avère un formidable outil de connaissance. De soi comme de la société dans laquelle nous vivons. Un moyen hors-pair d’inventer les communautés imaginées pour mieux les habiter, de mettre en récit ce qui serait demeuré trop souvent invisible, de donner à voir et, du même coup, prendre toute sa part à la représentation artistique et donc politique du monde.

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Repères
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Alfred-Nobel, un cran au-dessus
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