Duralex : les verres de notre enfance vont-ils disparaître ?

En difficulté depuis près de trente ans, malgré un sursaut, la verrerie française connaît une nouvelle crise. Celle de trop ?

Duralex : les verres de notre enfance vont-ils disparaître ? (Crédit : Getty Images)

"J’ai 43 ans et toi tu as quel âge ?" Cette drôle de question a été répétée des millions de fois dans les cantines françaises des écoles primaires depuis quasiment 80 ans. Regarder au fond de son verre Duralex pour y découvrir son âge fictif est devenu un jeu quotidien pour les écoliers. Les prochaines générations pourraient ne jamais y goûter.

Fondée en 1945 dans le Loiret, la verrerie française Duralex traverse une crise historique dont elle pourrait cette fois ne jamais se relever. Son placement en redressement judiciaire le 24 avril dernier a rappelé la fragilité de cette marque mythique ballottée d’un repreneur à l’autre sur fond de mondialisation depuis près de trente ans. Après avoir connu son âge d’or pendant les Trente Glorieuses, portée par la demande des ménages français, l’entreprise décline à la fin des années 90 avec le départ de son fondateur Saint-Gobain. La verrerie dépose le bilan en 2005 plombée par un homme d’affaires turc, ancien dirigeant de Duralex, qui a piqué dans la caisse.

"À l'été 2008, l'entreprise en liquidation judiciaire, attend un repreneur. Mais les multiples marques d'intérêt tardent à se transformer en offres concrètes", écrit Le Monde en 2010. C’est alors que deux frères d’origine grecque Antoine et André Ioannides reprennent le fabricant de vaisselle en verre trempé mondialement connu pour ses verres solides et bon marché. Avec un certain succès. La nouvelle direction étoffe la gamme, joue à fond la carte du made in France et s’expose même au Moma (le Museum of Modern Art de New York). Entre 2008 et 2017, l’entreprise multiple son chiffre d’affaires par deux. On la croit sauvée des eaux et repartie pour des décennies mais les soucis vont la rattraper.

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En 2017, un problème avec un four, le coeur du réacteur de Duralex, oblige les ouvriers à ralentir la production, ce qui engendrera de graves problèmes de trésorerie. Il faudra de longs mois et beaucoup d’argent pour relancer la machine. En 2020, le Covid vient porter le coup presque fatal. "Nous exportons 80% de notre production, alors imaginez les conséquences, nos expéditions se sont retrouvées bloquées et nous perdons 60% de notre chiffre d'affaires", indiquait en septembre 2020 son patron Antoine Ionannidès au Parisien. L’entreprise orléanaise n’a en plus pas bénéficié du prêt garanti par l’État, mettant les comptes dans le rouge.

La flambée des prix de l’énergie en 2022, conséquence de l’invasion russe en Ukraine, plombe encore plus ses finances. Elle sollicite alors l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d’Orléans. Asphyxiée de toutes parts, l’entreprise obtient un prêt exceptionnel de l’État de 15 millions d’euros à la fin de l’année 2022. Insuffisant pour redresser la barre.

Placé en redressement judiciaire depuis avril dernier, Duralex attend un énième repreneur susceptible de relancer l’activité. Trois offres de reprise sont sur la table. Ces propositions seront examinées par le tribunal de commerce d’Orléans le 17 juillet prochain. Un supplice pour les 228 salariés de la verrerie en attente de connaître le sort qui leur sera réservé. Une habitude depuis près de trois décennies.