Julie Bourges, alias Douze Février, grande brûlée : "J’étais prisonnière des flammes, je ne pouvais rien faire"

Changer le regard sur le handicap et transmettre un message fort en faveur de l’inclusion, c’est l’ambition de "Différent.e.s". Pour l’incarner, qui mieux que Salim Ejnaïni : cavalier de Jumping, sportif, conférencier, entrepreneur… et non-voyant ? Comment vit-on avec une "différence", comment apprend-on à s'accepter soi et à accepter le regard de l'autre ? Parcours cabossés, destins contrariés et incroyables leçons de vie : Salim Ejnaïni recueille les témoignages de nos invités extra-ordinaires. Des histoires fortes et inspirantes autour de la résilience et du vivre-ensemble…

Plus connue sous le pseudonyme "Douze Février" sur les réseaux sociaux, Julie Bourges a fait de l'accident qui a chamboulé sa vie une véritable force. Grièvement brûlée en 2013, la jeune femme en a gardé de lourdes cicatrices sur le corps. Pour Yahoo, elle a accepté de revenir sur son histoire. Un témoignage poignant et inspirant.

Voir son corps prendre feu et ne rien pouvoir faire pour s’échapper de cet enfer : c’est littéralement ce qu’a vécu Julie Bourges. À l’âge de 16 ans, sa vie a radicalement changé à la suite d’un grave accident. Depuis, grâce au soutien de ses proches et à une longue reconstruction, elle a fait de ses failles une force. Autrice d’un premier ouvrage intitulé "Chaque jour compte" (ed. Marabout) dans lequel elle célèbre sa résilience et sa différence, la jeune femme a accepté, pour Yahoo, de revenir sur son histoire. (Retrouvez l’intégralité de l’interview en fin d’article)

Pour elle, l’horreur commence le 12 février 2013. Alors qu’elle vient de passer une journée au carnaval de son lycée, son costume de mouton fait-maison s’enflamme à cause d'une cigarette. "J’étais prisonnière des flammes, il était impossible pour moi de l’enlever", se rappelle-t-elle avec émotion précisant qu’elle n’avait rien pu faire hormis courir. Un très mauvais réflexe sachant que le vent attise le feu.

Sa meilleure amie, dont les yeux transmettent l’effroi, tente alors d’étouffer les flammes en l’enroulant dans une veste mais elle aussi, n’échappe pas au pire et se brûle le bras au deuxième degré. Dans l’horreur, Julie se rend alors à l’évidence : sa seule solution est d’attendre que le grand mal se passe. Fort heureusement, une voisine est alertée par les cris et finit par l’arroser avec un tuyau d’arrosage. À partir de ce moment, tout devient flou. Prise en charge par les pompiers, elle est transportée d’urgence à l’hôpital. Elle se réveillera d’un coma artificiel… trois mois plus tard.

VIDÉO - Julie Bourges, grande brûlée : "On me force à rester endormie, sous drogues"

De cette période, Julie a quelques bribes de souvenirs. Des bruits lui reviennent comme ceux des portes du SAS de sa chambre stérilisée qui s’ouvrent. Comme elle tente de l’expliquer, le coma "est le fait de vaciller entre deux réalités". Celle de ses parents et la sienne, où se mêlent rêve, drogues et démesure.

Le coma dans lequel elle est induit dure trois mois, une période trois fois plus longue que la normale pour un grand brûlé. "J'ai des poussées de fièvre à 43 degrés, un pronostic vital engagé, de multiples infections. Il y a énormément de complications. Ils augmentent donc les doses de drogues et c’est pour cela que je reste endormie beaucoup plus longtemps".

VIDÉO - Julie Bourges, grande brûlée : "Je donnais des coups de poing dans les miroirs, mes mains étaient en sang"

À son réveil, rien ne va et la jeune femme commence à avoir des idées noires. "À ce moment, je n’ai pas de téléphone, je ne peux pas en tenir un entre les mains. Je ne peux parler avec personne. Je suis seule et la seule vision que j’ai est celle du personnel hospitalier", explique-t-elle reconnaissant s’être posée de nombreuses questions. De plus, l’image qu’elle renvoie la pousse à avoir des excès de colère, au point de donner des coups de poing dans des miroirs et à finir les mains en sang.

Mais fort heureusement, ses parents font le déplacement chaque jour, trois heures de route aller-retour pour la voir une heure, parfois moins. Un amour inconditionnel qui la fait tenir. "Ce qui me fait tenir aussi, c’est l’amour de la vie", confie-t-elle, expliquant être, à la base, une fille pleine de joie. Et lorsqu’elle y pense, elle n'a qu’une seule envie : celle de retrouver celle qu’elle était.

VIDÉO - Julie Bourges, grande brûlée : "Ma peau ne reviendra jamais comme avant, c’est fini"

Mais pour y parvenir, Julie doit se faire une raison et comprendre qu’elle ne retrouvera jamais sa peau d’avant, son apparence. Rien n’y fera, quoi qu’elle puisse faire. Un deuil très compliqué à faire. "Je ne vois rien de l’avenir. J’ai peur de ce qui va se passer, j’ai peur de ne jamais retrouver l’amour, de ne jamais retrouver un travail", explique-t-elle confiant avoir tiré un trait, après son accident, sur son envie de faire une école de commerce et d’évoluer dans le luxe, comme elle l’avait toujours rêvé.

La jeune femme se questionne énormément et le regard des autres dans la rue ne l’aide pas à s’assumer pleinement. "À travers leurs yeux, je sens ma différence."

VIDÉO - Julie Bourges, grande brûlée : "L’esthéticienne s’est désinfectée les mains, elle avait peur que ce soit contagieux"

Questionnée sur le sujet, la jeune femme s’est remémorée le comportement de certaines personnes qui l’ont particulièrement marqué. "J’ai vécu beaucoup de situations qui m’ont ramené à ma différence", explique-t-elle tout en revenant sur une anecdote. "Une fois, j’ai accompagné une amie chez l’esthéticienne. La salariée s’est lavée les mains parce qu’elle avait peur que ce soit contagieux." Comme elle le rappelle, mieux vaut poser des questions que de tirer des conclusions hâtives. Et surtout, il est pour elle essentiel d’éduquer et de renseigner les enfants sur la différence de manière générale. "Un enfant à qui tu ne donnes pas de réponse devient un adulte qui te dévisage dans la rue."

Si le regard des autres a souvent été compliqué pour elle à surmonter, celui des femmes sur sa personne l'a complètement chamboulé. "Je plaisais plus aux femmes qu’aux hommes sauf que j’ai toujours été hétérosexuelle. On te ramène à un truc que tu n’es pas et c’est très dur", confie-t-elle expliquant ne s’être jamais questionnée sur sa sexualité. Pour autant, la jeune femme avait peur de ne plus jamais plaire aux hommes.

VIDÉO - Julie Bourges, grande brûlée : "Il a été le premier à me dire : "Wow, tu es magique ! Tes cicatrices, c'est ton histoire"

Une peur qui s'est rapidement envolée. Sa différence ne l'a finalement pas empêchée d’avoir des relations amoureuses, des relations qui lui ont toutes permis de comprendre "des choses". Comme elle l’explique, la première était toxique et lui a permis de se rendre compte qu’elle était la seule à pouvoir se guérir. "J’attendais de cet homme qu’il comble toutes mes failles. C’était l’erreur", confie-t-elle précisant également avoir eu du mal à s’épanouir lors des rapports sexuels. "C’étaient des moments où je redécouvrais ce corps que je détestais. On couchait ensemble, lumière éteinte et je me rhabillais avant que la lumière ne se rallume."

Sa deuxième relation, elle, l’a sauvée. "C’était le gars le plus gentil du monde. Ça a été le premier pour qui mes cicatrices n’étaient pas un sujet." Sa troisième histoire, quant à elle, a boosté son égo. "Il était très désiré et je me disais finalement, contrairement aux idées reçues, que ma différence et tout ce que j’avais à transmettre attiraient". Aujourd’hui, et depuis quatre ans, elle partage sa vie avec un homme et semble être la plus heureuse du monde. "Il est le condensé de toutes ces belles relations et qui font qu’aujourd’hui, j’évolue dans une histoire hyper saine. C’est complémentaire, c’est réciproque. Il comprend mes failles mais ce n’est pas lui qui les comble. On se tire mutuellement vers le haut", explique-t-elle confiant avoir trouvé l’homme de sa vie.

Retrouvez l'intégralité de l'interview de Julie Bourges