Le double meurtrier Romain Dupuy alerte sur la dégradation des soins psychiatriques de son hôpital

Le double meurtrier Romain Dupuy alerte sur la dégradation des soins psychiatriques de son hôpital

Avec 17 autres patients, Romain Dupuy, interné à l'Unité pour malades difficiles de Cadillac, dénonce le manque de moyens alloués à la psychiatrie et ses conséquences sur les soins.

Une lettre peu commune. Romain Dupuy, interné à l'Unité pour malades difficiles (UMD) de Cadillac en Gironde, après avoir tué deux soignantes en 2004, dénonce le "manque de soignants" dans sa structure, qui altère "les libertés individuelles ainsi que la qualité des soins", dans une lettre consultée par BFMTV.com.

Il existe 10 UMD en France. Elles accueillent les patients souffrant de troubles psychiatriques sévères et qui ne peuvent être pris en charge dans des service des psychiatrie classiques puisque leur état de santé nécessite des protocoles et des mesures de sécurité particulières.

"Dans une structure de privation de liberté comme l'UMD où les séjours sont au minimum d'une année", les relations entre le personnel de santé et les patients doivent "impérativement" être harmonieuses, explique la lettre, co-signée avec 17 autres patients de l'UMD de Cadillac. "Cela se dégrade depuis un certain temps", rapporte-t-elle.

Les patients dénoncent le "manque de reconnaissance" du travail des soignants, "tant professionnel que financier", qui "induit des arrêts de travail, des infirmiers qui partent de l'hôpital..."

Ainsi, alors qu'il est important pour le type de patient que reçoit l'UMD de voir une équipe soignante "stable", qui connaît leurs besoins, ils voient "défiler" les soignants.

Peu de sorties thérapeutiques

Conséquence directe, selon eux : ils se voient restreints dans les sorties thérapeutiques. Ces sorties, prescrites par un médecin, permettent au patient d'effectuer une activité en dehors de son unité, comme aller au cinéma, dans un parc... Le patient est alors nécessairement accompagné par deux soignants. Les sorties thérapeutiques permettent à la fois à la personne internée de renouer un contact avec la vie en société, mais aussi aux soignants d'évaluer à quel point elle est prête à sortir définitivement de l'UMD ou à être transférée dans un autre service.

À l'UMD de Cadillac, ces sorties thérapeutiques se font de plus en plus rares en raison du manque de personnel, dénoncent les patients. Romain Dupuy par exemple, interné depuis 2005, n'est pas sorti depuis avril, explique son avocate, Me Hélène Lecat, à BFMTV.com.

Fin 2007, Romain Dupuy, souffrant de schizophrénie, avait été reconnu pénalement non responsable de ses actes et n'avait pas été jugé pour les meurtres à l'arme blanche d'une aide-soignante et d'une infirmière du centre hospitalier psychiatrique de Pau.

Ces conditions dégradent la qualité des soins, malgré "le fait que les soignants de l'unité reviennent sur leurs repos pour que nous puissions bénéficier de la meilleure qualité de prise en charge", soulignent les signataires.

"Ils se rendent comptes des soins lamentables qu'ils reçoivent, rapporte Hélène Lecat, avec le turn-over du personnel, ils n'ont plus de repères, plus de liens de confiance".

Soutien de la CGT et d'un collectif

Le Printemps de la Psychiatrie a apporté son soutien aux patients de l'UMD de Cadillac: leur constat "rejoint le vécu trop souvent silencié des dizaines de milliers de personnes hospitalisées en psychiatrie partout en France", estime le collectif dans un communiqué. La secrétaire générale de la section CGT de l'hôpital a également indiqué partager ces observations.

Le document a été envoyé fin août à la direction de l'hôpital, entre autres, mais l'avocate de Romain Dupuy constate que la situation "n'a pas bougé du tout depuis". "Depuis des années, la psychiatrie apparaît être le rebut de la médecine ordinaire", ajoute-t-elle.

"J'espère que le ministère de la Santé ou l'ARS vont prendre conscience du manque de moyens qui nuit aux soins de ces personnes", déclare Me Hélène Lecat à BFMTV.com.

En 2011 déjà, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté estimait, après une visite à l'UMD de Cadillac, qu'il "conviendrait de porter davantage d’attention au respect des règles concernant le nombre minimal de personnels soignants présents" et qu'il n'était "pas acceptable que les carences d’infirmiers parfois constatées ne soient pas compensées par des aides-soignants".

Contacté par BFMTV.com, l'hôpital de Cadillac n'était en mesure de répondre ce lundi.

Article original publié sur BFMTV.com

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