Donald Trump peut-il rêver de retour après sa victoire idéologique sur l'avortement?

Donald Trump se rend ce samedi au meeting de Sarah Palin, candidate républicaine pour les élections de mi-mandat. Il tente de retrouver une stature en vue de la présidentielle de 2024, au moment où les idées conservatrices s'imposent aux États-Unis.

ÉTATS-UNIS - Donald Trump se rend ce samedi en Alaska au meeting “Save America” (“sauver l’Amérique”) pour soutenir la très conservatrice et controversée Sarah Palin, ancienne gouverneure de l’État qui brigue un poste de Représentante au Congrès en novembre. Le duo s’annonce explosif.

Dans le cadre des primaires pour les élections de mi-mandat prévues à l’automne 2022, l’ex-président s’est investi pour imposer des candidats, comme Palin, pour le parti Républicain. L’objectif est toujours le même: montrer qu’il a gardé la main sur son camp (et dans une bonne partie de l’opinion) dans l’espoir d’un retour pour la prochaine présidentielle.

Surtout que l’héritage ultraconservateur de Donald Trump sur le pays persiste comme l’a montré la décision de la Cour suprême d’abroger la protection du droit à l’avortement. “C’est la plus grande victoire pour la vie depuis une génération (...) car j’ai tenu mes promesses”, s’était-il félicité vendredi 24 juin, peu après l’annonce-choc des Sages qui a ravi les conservateurs.

Donald Trump a en effet permis à la plus haute institution judiciaire américaine de consolider son ancrage à droite grâce à la nomination de trois juges lors de son mandat: Neil Gorsuch après la mort du conservateur Antonin Scalia, Brett Kavanaugh qui a pris le siège d’Anthony Kennedy, autre conservateur parti à la retraite, et Amy Coney Barrett qui a remplacé la progressiste Ruth Bader Ginsburg, décédée quelques semaines avant l’élection présidentielle de 2020. Désormais, six juges conservateurs siègent à la Cour suprême contre trois progressistes.

L’avortement, victoire a posteriori pour Trump

Ce nouvel équilibre politique a conduit au durcissement de la Cour suprême. Outre la fin de Roe v. Wade, l’institution a également entériné fin juin le droit de porter une arme dans la rue et limité les pouvoirs du Congrès à agir pour le climat. “C’est clairement une victoire a posteriori pour Donald Trump”, souligne Jean-Eric Branaa, maître de conférences en sciences politiques à Paris II-Assas et spécialiste des États-Unis, interrogé par le Huffpost.

“La présidence de Trump se prolonge à travers des juges très conservateurs à la Cour suprême, en plus de ceux qu’il a nommés à tour de bras en cours d’appel, analyse-t-il. Cela rend sa défaite de 2020 moins rude. C’est un vrai virage à l’extrême droite qui n’est d’ailleurs pas en phase avec la population.” Selon un sondage pour la radio NPR, 56% des Américains se disent contre la décision sur l’IVG prise par la Cour suprême.

Cette victoire à retardement lui fait croire à un retour en grâce. Donald Trump n’a-t-il pas déjà affirmé vouloir “reprendre” le Sénat et la Chambre des Représentants en 2022, puis sa “belle Maison-Blanche” en 2024? Sa candidature officielle pourrait même être annoncée dès cet été. Toutefois pour Jean-Eric Branaa, les décisions de la Cour suprême héritées de Trump n’auront aucun impact sur les élections en novembre. “En ce moment, les Américains sont préoccupés par les prix de l’énergie et l’inflation, pas l’avortement ou le port d’arme”, remarque-t-il.

Trump garde la cote mais son étoile a pâli

Dans son parti aussi, “son étoile a pâli”, ajoute l’expert. “Pour les Républicains les plus convaincus, il est le plus beau, le plus fort. Pour les autres, il n’existe quasiment plus. Beaucoup voient dans Trump celui qui va revenir en 2024, mais en réalité, 60 à 65% des Américains n’en veulent pas”. Pourtant, Donald Trump garde la cote. Il serait en tête de la primaire républicaine pour la présidentielle si elle était organisée aujourd’hui. De plus, en cas de nouveau duel Biden-Trump en 2024, ce dernier se place en tête, a révélé un récent sondage.

Ces estimations données à deux ans de l’échéance présidentielle laissent largement le temps à la tendance de s’inverser. Les sondages sur la primaire républicaine tendent déjà à pencher vers d’autres personnalités. Le gouverneur de Floride Ron DeSantis prend des points progressivement, tandis que l’ancien vice-président de Trump Mike Pence se tient en embuscade, comme vous pouvez le voir dans le sondage ci-dessous.

Les votes des électeurs Républicains pour la primaire à la présidentielle 2024. Ron DeSantis prend des points. (Photo: Capture d'écran, sondage Morning Consult)
Les votes des électeurs Républicains pour la primaire à la présidentielle 2024. Ron DeSantis prend des points. (Photo: Capture d'écran, sondage Morning Consult)

Les votes des électeurs Républicains pour la primaire à la présidentielle 2024. Ron DeSantis prend des points. (Photo: Capture d'écran, sondage Morning Consult)

En parallèle, les auditions sur la tentative d’insurrection au Capitole le 6 janvier 2021 éclaircissent progressivement le rôle de Donald Trump et pas franchement en sa faveur. Autre signe qui montre la baisse de l’influence du milliardaire: son soutien apporté à des candidats Républicains en vue des midterms n’ont pas toujours été une réussite. Le bilan est mitigé pour l’ex-président qui a parfois vu ses poulains se faire recaler par des candidats plus modérés, notamment en Géorgie. À l’inverse, si la candidature au poste de gouverneur en Pennsylvanie est revenue à un pro-Trump, ce dernier s’écarte aujourd’hui de l’ex-président pour espérer l’emporter en novembre.

“Il n’a aucune chance en 2024”

Le gouverneur Ron DeSantis, candidat à sa réélection en Floride avant d’envisager la présidentielle, ne cherche pas non plus le soutien de l’ex-locataire de la Maison-Blanche, rapporte Politico. Des personnalités fortes du parti prennent aussi leur distance. L’ancien candidat à la présidentielle Mitt Romney a regretté lundi 4 juillet que Joe Biden n’ait pas trouvé de remède à “notre maladie nationale de déni, de tromperie et de méfiance”. Avant d’ajouter: “Un retour de Donald Trump nourrirait la maladie, la rendant probablement incurable.”

En bref, Donald Trump continue de diviser son parti et l’Amérique, ce qui risque de lui poser problème pour les prochaines échéances électorales. “Il est has-been, je le dis depuis sa défaite en 2020 que c’est terminé pour lui”, insiste Jean-Eric Branaa. “Il a perdu la Maison-Blanche, le Sénat, la Chambre des représentants en 2020, maintenant il perd les gouverneurs... Avec sa tentative de coup d’État, il n’a aucune chance en 2024″, répète-t-il.

Cela ne veut pas dire que son empreinte sur la politique américaine est prête à disparaître. “La fin de l’avortement, la remise en cause du mariage pour tous [que souhaite revoir l’un des juges], le retour des valeurs familiales et chrétiennes... Les idées conservatrices qui sont celles de Trump vont vivre à la Cour suprême pendant une vingtaine d’années. Les juges sont relativement jeunes, nommés à vie, et le Congrès est trop dysfonctionnel pour les contrer”, pointe le maître de conférences. Et si le meeting de Donald Trump avec Sarah Palin, quasiment assurée de gagner au vu de sa stature nationale en tant qu’ex-candidate à la vice-présidence, n’était pas pour “sauver l’Amérique”... mais pour se sauver lui-même?

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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